Imaginez ce scénario : Un septuagénaire fait son entrée dans l’institution financière avec laquelle il fait affaire depuis déjà trente ans et où se trouvent toutes ses économies. L’homme se dirige au comptoir et d’un ton indécis, mais pas anormal, demande au caissier de fermer son compte. Après quelques échanges entre les deux hommes, le caissier obéit aux instructions du septuagénaire et une traite bancaire est émise pour le solde du compte. Quelques semaines plus tard, l’institution financière reçoit une mise en demeure de la famille du septuagénaire demandant rien de moins que la remise de la totalité des sommes prélevées dans le compte fermé de ce dernier. En effet, selon la famille, le septuagénaire était inapte et il existait même un mandat donné en prévision d’une inaptitude homologué par le tribunal en faveur d’un des enfants de l’inapte. Est-ce que l’institution financière a réellement été fautive? Est-ce qu’elle doit remettre les sommes réclamées par la famille?
Ces questions, le juge saisi du dossier se les posera et répondra soit par l’affirmative ou la négative en fonction des faits particuliers de l’affaire. Une chose est certaine, les institutions financières doivent avoir un plan de match face à ces situations et ne peuvent laisser les questions soulevées précédemment entre les mains d’un juge.
Cela est particulièrement vrai considérant que notre société vieillit. Les aînés n’ont jamais été aussi présents et actifs dans la société québécoise et cela entraîne son lot de nouveaux défis pour toute entreprise, incluant les institutions financières. En effet, les entreprises doivent adapter leurs services aux nouvelles réalités d’une population qui ne rajeunit pas. Parmi ces nouvelles réalités, l’apparition de maladies neurodégénératives telles que l’Alzheimer.
Ces maladies peuvent grandement affecter la capacité d’une personne à donner un consentement libre et éclairé. C’est pour cette raison que le Québec s’est doté de régimes de protection tels que la curatelle au majeur et le mandat donné en prévision d’une inaptitude, qui connaît d’ailleurs une popularité fulgurante depuis quelques années. Ces protections légales ont un impact sur toute entreprise ou institution qui contracte possiblement avec des gens atteints de maladies neurodégénératives et les institutions financières ne font pas exception à cette règle.
Cette réalité est particulièrement vraie depuis que le Curateur public a mis sur pied un registre public contenant tous les régimes de protection des majeurs (curatelle, tutelle et assistance) ainsi que les mandats donnés en prévision d’une inaptitude homologués par le tribunal. En effet, la publicité de ces renseignements a comme potentiel corollaire la responsabilité de l’institution financière de s’assurer que le client soit apte à transiger sur son compte. En effet, il a été affirmé et réaffirmé à plusieurs reprises par les tribunaux qu’il appartient au cocontractant d’être vigilant et de vérifier l’aptitude de la personne avec qui il fait affaire. Ce devoir de vigilance risque fort bien d’être augmenté dans les années à venir étant donné que les opérations de vérifications de l’aptitude du cocontractant sont désormais facilitées par la création du registre public tenu par le Curateur public.
Dans cette optique et pour prévenir de possibles poursuites civiles contre votre institution financière, il peut être prudent de vérifier s’il existe un mandat donné en prévision d’une inaptitude homologué par un tribunal ou un régime de protection ouvert en faveur de votre client possiblement atteint d’une maladie neurodégénérative et qui désire effectuer une transaction majeure sur son compte.
Cette information est disponible de deux manières :
a. Soit en visitant le Site Internet du Registre des régimes de protection au https://www.curateur.gouv.qc.ca/jsp/pcurateur_man_html/criteres.jsp. Vous devez avoir en main le nom complet du client ainsi que sa date de naissance.
b. Soit en téléphonant au Curateur public – Registre des régimes de protection au 1 800 363-9020. Vous devez avoir en main le nom complet du client ainsi que sa date de naissance.
En agissant ainsi et à l’aide d’autres politiques de prévention, vous protégerez la santé financière de votre client atteint d’une maladie neurodégénérative et éviterez de possibles poursuites devant les tribunaux contre votre institution financière.