Dans un monde des affaires en instance de mondialisation, les entreprises québécoises transigent de plus en plus à l’étranger. Au-delà des défis économiques et culturels que ceci représente, les questions des lois applicables et de la juridiction des tribunaux doivent aussi être considérées.
Ces questions sont abordées dans le Code civil du Québec qui consacre le principe de liberté contractuelle.
En effet, les articles 3111 C.c.Q. et 3148 C.c.Q. prévoient que les parties à un contrat peuvent convenir de la loi qui gouvernera le contrat et, le cas échéant, de la juridiction qui aura compétence pour entendre les litiges en découlant. Il s’agit de clauses communément nommées « élection de for ».
Dans un arrêt rendu en 2005, la Cour Suprême du Canada<1> confirme que par l’article 3111 C.c.Q., le législateur a voulu s’assurer du respect du principe de liberté contractuelle et donc de la volonté des parties. Dans le même ordre d’idées, la Cour d’appel<2>, en 2006, nous enseigne que la question préliminaire à étudier en matière de droit international sera toujours celle du droit applicable.
Quant à l’article 3148 C.c.Q., celui-ci traite du forum élu, à savoir, le tribunal compétent en situation litigieuse. Encore une fois, le législateur favorise celui qu’aura choisi les parties.
En effet, après avoir énuméré les cas d’espèces dans lesquels les autorités québécoises auront compétence, le législateur y consacre, au deuxième alinéa, la liberté contractuelle :
« Cependant, les autorités québécoises ne sont pas compétentes lorsque les parties ont choisi, par convention, de soumettre les litiges nés ou à naître entre elles, à propos d’un rapport juridique déterminé, à une autorité étrangère ou à un arbitre, à moins que le défendeur n’ait reconnu la compétence des autorités québécoises.<3> »
Ainsi, nous ne pouvons que constater la volonté du législateur québécois de s’en remettre aux négociations entre les parties ainsi qu’à leur volonté pour déterminer le droit applicable et les tribunaux compétents.
Or, ce principe souffre d’une exception dans les cas de vente de marchandises.
En effet, en 2011, alors qu’un litige lui a été soumis dans le cadre d’un contrat international de vente, la Cour d’appel<4> nous explique qu’en cas de litige commercial impliquant des entreprises situées dans deux états signataires de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises<5>, (ci-après Convention de Vienne), celle-ci doit trouver application sans égard à l’intention des parties.
Aux termes de cet arrêt, la Cour d’appel se pose, d’office, la question suivante, bien que les parties s’entendent sur le fait que le droit québécois trouvait application :
« Mais les parties ont oublié une question préalable : le Code civil s’applique-t-il à ce contrat ? Et de façon plus générale, quel est le droit qui régit ce contrat ?<6> ».
La Cour d’appel<7> nous explique alors que lorsqu’un contrat de vente, intervient entre deux pays signataires, la Convention de Vienne constitue la première référence pour statuer du droit applicable et du tribunal compétent. Ainsi, les tribunaux doivent soulever d’office cette question préliminaire.
Cette Convention a une portée particulièrement importante sur les échanges internationaux auxquels les entreprises canadiennes participent du fait qu’elle lie 85 pays dont notamment les États-Unis, la Chine, le Japon, le Mexique, et les principaux pays d’Europe.
Or, l’objectif ultime de cette Convention se veut à l’effet de promouvoir l’uniformité de son application ainsi que d’assurer le respect de la bonne foi dans le commerce international, précisément en matière de vente.
Aux termes de l’arrêt sous étude, la Cour nous rappelle que selon la Convention de Vienne, pour déterminer la juridiction applicable, le tribunal devra se référer aux usages émanant des relations contractuelles en regard avec une obligation essentielle du contrat, en l’occurrence, le lieu de paiement.
Ainsi, au-delà de la liberté contractuelle, les tribunaux québécois devront d’abord appliquer les principes énoncés par la Convention de Vienne si les parties au contrat proviennent de pays signataires. Ceci devra être considéré au moment d’entreprendre des procédures, d’élaborer une défense mais surtout, lors de la négociation et de la signature des contrats. Ceci nous enseigne, par ailleurs, qu’une bonne connaissance des conventions internationales est tout aussi importante que celle du droit intérieur pour négocier à l’étranger.
<1> Grecon Dimter Inc. c. J.R. Normand Inc., [2005] 2 R.C.S. 401.
<2> United European Bank and Trust Nassau Ltd. c. Duchesneau, [2006] R.J.Q. 1255 (C.A.).
<3> Article 3148 (2) C.c.Q.
<4> Mazzetta Company, l.l.c. c. Dégust-Mer inc., 2011 QCCA 101.
<5> Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, L.R.Q., c. C-67.01.
<6> Précité note 4, par. 11.
<7> Précité note 4.