Dans plusieurs domaines de droit, les avocats se voient dans l’obligation d’obtenir l’accès aux dossiers médicaux d’un client, que l’on pense à la responsabilité médicale ou hospitalière, à la psychiatrie légale, au droit du travail, au droit administratif, à la responsabilité civile, au droit des assurances, etc.
L’accès aux dossiers médicaux est encadré par plusieurs dispositions législatives se retrouvant notamment dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux (ci-après « LSSS »), le Règlement sur l’organisation et l’administration des établissements, la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et le Règlement sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels.
La Charte des droits et libertés prévoit également le droit à la vie privée, lequel protège les dossiers médicaux. Ces derniers sont donc strictement confidentiels et un tiers ne peut y avoir accès sans l’autorisation du patient, sauf dans certaines conditions clairement prévues dans la loi. C’est ainsi que les articles 19 à 19.2 de la LSSS établissent une liste de circonstances dans lesquelles certaines personnes ou organismes peuvent avoir accès au dossier médical d’un patient sans avoir préalablement obtenu son consentement.
Il existe plusieurs situations où le dossier médical d’une personne peut être demandé, notamment dans le cadre d’une poursuite.
Un client peut donc fournir à son avocat son dossier médical qu’il aura lui-même demandé copie auprès des archives de l’établissement le détenant. En effet, la LSSS prévoit que l’usager âgé de 14 ans et plus a le droit d’avoir accès à son dossier auprès de tout établissement, à moins que, de l’avis de son médecin, l’accès pourrait vraisemblablement lui causer un préjudice grave à sa santé (art. 17 LSSS). Lorsqu’un usager demande l’accès à son dossier, l’établissement doit lui permettre cet accès dans les plus brefs délais.
Le patient peut également autoriser un tiers à consulter ou à obtenir une copie de son dossier médical directement auprès de l’établissement. Il peut notamment autoriser son avocat à y avoir accès, en lui fournissant une procuration à cet effet, laquelle devra notamment indiquer :
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Une formulation de type : « Je soussigné(e), __________, mandate par la présente le cabinet Dunton Rainville s.e.n.c.r.l., pour agir en mon nom et pour obtenir une copie complète et intégrale de mon dossier médical détenu par ______________________, le tout conformément à la Loi sur les services de santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2), à la Loi médicale (L.R.Q., c. M-9), ou à toute autre loi pertinente» ;
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La signature et la date ;
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Les informations suivantes concernant le signataire : nom, la date de naissance, nom du père, nom de la mère, numéro d’assurance maladie, numéro d’assurance sociale ;
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Les informations suivantes concernant le défunt pour lequel le dossier médical est demandé : nom, la date de naissance, nom du père, nom de la mère, numéro d’assurance maladie, numéro d’assurance sociale.
Comment faire pour obtenir le dossier médical d’une personne décédée ?
Il arrive que le dossier médical d’une personne décédée soit nécessaire dans le cadre d’une poursuite. C’est souvent le cas dans les dossiers de responsabilité médicale. L’article 23 alinéas 1 et 2 de la LSSS prévoit que :
« Les héritiers, les légataires particuliers et les représentants légaux d’un usager décédé ont le droit de recevoir communication de renseignements contenus dans son dossier dans la mesure où cette communication est nécessaire à l’exercice de leurs droits à ce titre. Il en est de même de la personne ayant droit au paiement d’une prestation en vertu d’une police d’assurance sur la vie de l’usager ou d’un régime de retraite de l’usager.
Le conjoint, les ascendants ou les descendants directs d’un usager décédé ont le droit de recevoir communication des renseignements relatifs à la cause de son décès, à moins que l’usager décédé n’ait consigné par écrit à son dossier son refus d’accorder ce droit d’accès »
D’abord, rappelons que pour avoir le titre d’héritier, encore faut-il que la personne se qualifiant d’héritier ait accepté la succession du défunt.
L’expression « nécessaire à l’exercice des droits » a fait l’objet d’une décision importante en 2017 1. Dans cette affaire, le demandeur se pourvoi à l’encontre d’une demande en révision d’une décision d’un établissement refusant l’accès au dossier médical de sa conjointe décédée à l’hôpital Hôtel-Dieu de Lévis.
Cette décision vient nous donner davantage de précisions sur une des conditions pour avoir accès au dossier médical d’une personne décédée soit « nécessaire à l’exercice de leurs droits à ce titre ». D’abord, la Cour vient souligner que les mots « à ce titre » viennent clairement exclure l’exercice de droits purement personnels aux héritiers.
Ensuite, pour que l’accès au dossier soit considéré comme nécessaire à l’exercice des droits, il faut plus qu’une simple existence du droit de poursuivre l’hôpital, mais il ne faut pas non plus exiger qu’un recours judiciaire ait déjà été intenté contre l’établissement. La Cour précise d’ailleurs ce concept :
« [48] Faisant un moment abstraction des faits très particuliers présentés par la présente affaire, le Tribunal estime qu’un héritier ayant perdu son conjoint à la suite d’une opération très mineure – par exemple – devrait avoir accès sans encombre au dossier médical de la patiente, pour connaître les causes précises du décès et examiner si des recours doivent être entrepris[24].
« [49] Par ailleurs, il n’est écrit nulle part que l’exercice d’un droit par un héritier doive nécessairement mener à l’institution de procédures judiciaires. De l’avis du Tribunal, le fait de vouloir faire la lumière sur les causes précises du décès, dans des circonstances exceptionnelles comme celles du présent dossier, constitue en soi l’exercice d’un droit par un liquidateur, celui-ci ayant une obligation de diligence dans l’exécution de sa charge[25]. »
[Nos soulignements]
Par la suite, la Cour vient faire la lumière sur l’expression « les renseignements nécessaires » de l’article 23 alinéa 1 de la LSSS. Ainsi, l’accès au dossier médical ne doit pas être seulement pertinent ou utile pour l’exercice des droits, mais bien nécessaire.
Ainsi, un avocat qui demande accès au dossier d’une personne décédée doit préciser le droit que le client entend exercer (recours en responsabilité médicale, plainte à l’établissement, plainte au Collège des médecins, etc.) et indiquer le titre auquel agit le client (héritier, légataire particulier, représentant légal). Pour prouver le statut d’héritier, certaines pièces justificatives seront requises : le testament et la recherche testamentaire auprès de la Chambre des notaires du Québec et du Barreau du Québec. Il n’est pas nécessaire au stade de la demande d’accès au dossier médical d’indiquer le(s) nom(s) des personnes visées par une potentielle poursuite ni les raisons motivant celle-ci.
1 André Roy c. CISSS de Chaudière-Appalaches, 2017 QCCS 3243.