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Travail, emploi et immigration

Contrat de travail

Retour en présentiel – congédiement déguisé?

Par : Leon, Natalia

19 novembre 2024

Cet article paru originalement dans Québec Municipal a été rédigé par Me Natalia Leon.
Exiger le retour en présentiel d’un-e employé-e en télétravail peut constituer un congédiement déguisé.
C’est la conclusion à laquelle arrive le Tribunal administratif du travail (Tribunal) dans la décision Guérard c. SamaN Inc. (2024 QCTAT 3718).

Dans cette affaire, la plaignante est une représentante de produits pour l’Employeur. Alors que l’essentiel de son travail constituait jusqu’alors à être « sur la route », cette dernière souhaite maintenant être affectée à un poste lui permettant d’effectuer la totalité de sa prestation en télétravail, ce que l’Employeur accepte. Quelques mois plus tard, il revient sur sa décision et exige que la plaignante accomplisse dorénavant sa prestation en présentiel. Cette dernière refuse et dépose une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, alléguant avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé. L’Employeur conteste sa plainte, soutenant que c’est la plaignante qui, par son refus de consentir au réaménagement de ses tâches, a démissionné.

Le Tribunal rappelle les enseignements de l’arrêt Farber1, soulignant qu’un congédiement déguisé survient lorsqu’un employeur modifie unilatéralement et de manière substantielle les conditions essentielles du contrat de travail de son employé, ce dernier refusant les modifications et quittant son emploi. Dans ce contexte, son départ ne constituera pas une démission, mais bien un congédiement. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal doit se demander si, au moment où l’offre a été faite, une personne raisonnable placée dans la même situation que la plaignante aurait considéré subir une modification substantielle aux conditions essentielles de son contrat de travail.

En l’espèce, la preuve révèle que l’entente permettant à la plaignante d’effectuer la totalité de ses tâches en télétravail était une condition essentielle à la poursuite de sa carrière au sein de l’entreprise de l’Employeur. La plaignante ne souhaitait plus travailler « sur la route » et l’entente de télétravail convenue avec l’Employeur reflétait ce souhait. Appliquant le critère de la personne raisonnable, le Tribunal conclut qu’en retirant à la plaignante la possibilité de poursuivre l’exécution de ses tâches à distance, l’Employeur a substantiellement modifié une condition essentielle de son contrat de travail. Ainsi, la plaignante a été l’objet d’un congédiement déguisé2.

Compte tenu de ce qui précède, la prudence s’impose lors de la conclusion d’ententes de télétravail. Dans le cadre de celles-ci, les employeurs devraient s’assurer de prévoir clairement les modalités et les conditions de l’exécution de la prestation à distance de leurs employés, tout en y incluant des mentions précises reconnaissant leur droit discrétionnaire de modifier ou de résilier une telle entente.

 


 

[1] Farber c. Cie Trust Royal, 1997 CanLII 387 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 846.
[2] Malgré la conclusion du Tribunal à cet effet, la plainte fut rejetée vu son dépôt hors délai, la plaignante n’ayant pas fait la preuve d’un motif raisonnable pouvant la relever des conséquences de son défaut.