Reprendre une entreprise à plusieurs est une avenue de plus en plus empruntée qui comporte plusieurs avantages, mais aussi des risques. Ces derniers peuvent heureusement être atténués grâce à la convention entre actionnaires.
Avec plus de 24 000 entreprises québécoises envisageant un transfert en 2024, une nouvelle génération de dirigeants se prépare à prendre le relais. Pour prendre les rênes d’une entreprise, il est essentiel d’associer une bonne tolérance au risque à un éventail de compétences variées. Reprendre une entreprise à plusieurs est donc une avenue de plus en plus empruntée qui comporte plusieurs avantages, mais aussi des risques. Ces derniers peuvent heureusement être atténués grâce à la convention entre actionnaires.
Le défi de reprendre une entreprise, la transformer et innover afin de l’amener à un autre niveau demande la réunion de plusieurs compétences, d’où l’intérêt de reprendre l’entreprise à plusieurs. Annie Veilleux, directrice de Familles en affaires HEC Montréal, est très éloquente sur la question lorsqu’elle affirme avec justesse que c’est « (…) en pouvant compter sur une équipe composée de plusieurs talents que l’entreprise assurera sa régénération, sa propulsion et sa continuité[1] ».
Cependant, se lancer en affaires en équipe comporte des risques. Dès lors, signer une convention entre actionnaires permet d’éviter les écueils qui peuvent survenir en cours de route. La convention entre actionnaires est le contrat par lequel les actionnaires déterminent et fixent, ensemble, les règles de fonctionnement de l’entreprise ainsi que la nature des relations qu’ils auront entre eux et vis-à-vis de ladite entreprise. Ce contrat peut également prévoir une clause pénale pour sanctionner son non-respect.
Voici 2 avantages majeurs de cet important document :
1- Permet de conserver le caractère privé de l’entreprise.
L’un des buts de la convention entre actionnaires est de conserver le caractère privé de la société en empêchant des tiers d’en devenir actionnaires sans le consentement des parties. Cela peut se faire soit en déterminant des compétences des actionnaires ou futures actionnaires, soit en prévoyant un marché pour la circulation des actions émises par l’entreprise.
En effet, les actionnaires qui ont décidé de reprendre l’entreprise à plusieurs pourront définir des critères de compétences dont il faudra disposer pour pouvoir faire partie de leur équipe. Ainsi, la convention pourra, par exemple, prévoir que tout actionnaire ou futur actionnaire devra détenir une expérience approfondie du domaine d’activité dans lequel l’entreprise opère.
Aussi, il est commun que la convention prévoie une clause de droit de préemption qui exige que les actionnaires détenant des actions d’une catégorie aient, au prorata du nombre de celles-ci en circulation, la priorité pour souscrire, lors de toute nouvelle émission, à des actions de cette catégorie, au prix et selon les modalités auxquels elles seront offertes à des tiers.
2- Permet d’établir certains paramètres de gouvernance et d’encadrer le processus de prise de décisions
La convention entre actionnaires vise souvent à déterminer la participation des actionnaires dans l’opération et l’administration de l’entreprise. Ainsi, les actionnaires peuvent préciser leurs droits respectifs dans l’administration de l’entreprise au moyen de clauses de vote et d’administration.
En effet, le succès d’une reprise réussie passe par une période de transition au cours de laquelle les cédants « devront bien transmettre les valeurs et les paramètres de l’entreprise et travailler ensemble les règles de gouvernance[2] » avec l’équipe de repreneurs. Cette période de transition sera le moment pour ces derniers de régler d’avance certains points dans l’administration et dans l’exercice des activités de l’entreprise susceptibles d’être des sources de conflit. Ils pourront donc prévoir ces points dans la convention entre actionnaires qui régira leur collaboration dans l’équipe.
Aussi, comme le requièrent les lois corporatives, la gestion des activités commerciales et des affaires internes de l’entreprise est confiée au Conseil d’administration de l’entreprise. Cependant, les actionnaires peuvent déroger à ces normes traditionnelles de fonctionnement en s’arrogeant des pouvoirs généralement dévolus aux administrateurs.
Ainsi, les actionnaires d’une entreprise reprise à plusieurs pourront s’immiscer dans la gestion de l’entreprise et restreindre à leur profit les pouvoirs du Conseil d’administration en se conférant le pouvoir décisionnel concernant certaines activités de l’entreprise. Les actionnaires pourront par exemple prévoir dans la convention, concernant des sujets bien précis, que des actionnaires bien désignés devront faire partie des décideurs, et ce, en considération du degré d’expertise et de compétences de ces derniers. La convention par laquelle les actionnaires s’attribueront les pouvoirs des administrateurs est appelée une convention unanime d’actionnaires.
La clause pénale pour sanctionner le non-respect de la convention entre actionnaires
L’idée de prévoir une clause pénale dans une convention entre actionnaires n’est pas partagée par tout le monde. Certains pensent que prévoir une telle clause viendrait ruiner la bonne foi qui devrait habiter chaque actionnaire et serait par conséquent incompatible avec l’esprit de la convention. Quant à ceux qui adhèrent à cette idée, ils estiment que prévoir une clause pénale permet de donner un coup de pouce au maintien de la bonne foi afin que celle-ci demeure constante.
La sanction que l’on pourrait prévoir à la clause pénale peut prendre deux formes, soit une sanction pécuniaire ou une réduction de la valeur des actions de l’actionnaire. En effet, la clause pénale pourrait fixer un montant d’argent qui serait une sorte d’amende que l’actionnaire s’engage à payer aux autres en cas de non-respect des dispositions de la convention entre actionnaires.
La clause pénale peut aussi prévoir une sanction qui consiste en une réduction du prix auquel les actions d’un actionnaire en défaut doivent obligatoirement être offertes en vente aux autres actionnaires. Cependant, il est primordial que la clause pénale soit bien rédigée pour ne pas être abusive sinon les tribunaux pourraient intervenir pour réduire sa portée.
Dans le contexte d’une reprise à plusieurs, il serait fort intéressant et plus pragmatique de prévoir une clause pénale dans la convention entre actionnaires.
Celle-ci constituera la menace d’une pénalité servant à convaincre les actionnaires de respecter la convention, dans l’éventualité où ceux-ci seraient tentés d’y contrevenir.
S’il est vrai que se lancer en affaires à plusieurs peut comporter des risques de conflits, il est aussi vrai qu’il est possible d’en réduire les sources et de favoriser leur règlement par le biais d’une convention entre actionnaires. Ce document constitue donc un instrument précieux à ne pas négliger pour tous repreneurs souhaitant reprendre une entreprise en équipe.
[1] https://www.revuegestion.ca/repreneuriat-en-equipe-pour-propulser-entreprises
[2] https://www.acqconstruire.com/actualites/2914-repreneuriat-les-cles-du-succes