Le 24 mars 2015 était adopté le projet de loi n° 26 intitulé la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manœuvres dolosives dans le cadre de contrats publics (ci-après la « Loi »). Le 1er avril 2015, certaines dispositions de ce projet de loi sont entrées en vigueur. Tel qu’il appert de son intitulé, cette Loi prévoit l’introduction de mesures exceptionnelles visant à permettre aux organismes publics de récupérer des montants qu’ils auraient payés en trop en raison de fraudes ou de manœuvres dolosives, et ce, dans le cadre de l’adjudication, l’attribution ou la gestion de contrats publics.
Cette Loi d’ordre public vise ainsi la mise en place d’un régime à deux vitesses, soit en premier lieu, un programme de remboursement volontaire à durée déterminée et en second lieu, l’introduction de diverses mesures ayant notamment pour objectif de faciliter les poursuites civiles entreprises par tout organisme public.
Ledit programme de remboursement permet à toute personne physique ou à toute entreprise de rembourser, sur une base volontaire, des sommes payées injustement par un organisme public dans le cadre d’un contrat public. Les personnes ou entreprises désirant se prévaloir de ce programme doivent toutefois transmettre, au plus tard le 1er novembre 2016, un avis d’intention à l’administrateur dudit programme, soit à l’ancien juge en chef de la Cour supérieure, monsieur François Rolland. Cet avis d’intention vise notamment à confirmer à l’administrateur du programme l’identité des personnes ou entreprises souhaitant participer au programme de remboursement volontaire, ainsi que la liste des organismes publics pour lesquels une proposition de règlement devrait éventuellement être soumise.
Ensuite, dans les trente (30) jours du dépôt de cet avis d’intention, une proposition de règlement doit être soumise à l’administrateur du programme par les personnes ou entreprises ayant transmis leur avis d’intention. Il convient toutefois de préciser que cette décision doit être réfléchie puisqu’une fois déposée, la proposition de règlement ne peut être retirée. Les participants de ce programme devront donc user de prudence dans l’élaboration de celle-ci. De plus, bien que la participation à ce programme puisse être avantageuse pour certains, et ce, à plusieurs égards, notamment afin d’éviter un éventuel litige, les participants doivent être informés que si leur proposition de règlement est acceptée, ils devront acquitter un montant forfaitaire supplémentaire égal à dix pourcent (10%) de ladite proposition acceptée afin de couvrir les frais engagés pour l’application de ce programme.
En second lieu, en ce qui concerne les règles applicables au recours judiciaire, il importe de mentionner qu’en présence d’une fraude ou d’une manœuvre dolosive, la Loi établit une présomption de préjudice en faveur des organismes publics, ainsi que dans certaines circonstances, une responsabilité solidaire des dirigeants et des administrateurs. En effet, l’article 10 de la Loi prévoit que :
« Toute entreprise ou toute personne physique qui, à quelque titre que ce soit, a participé à une fraude ou à une manœuvre dolosive dans le cadre de l’adjudication, de l’attribution ou de la gestion d’un contrat public est présumée avoir causé un préjudice à l’organisme public concerné.
Le cas échéant, la responsabilité de ses dirigeants en fonction au moment de la fraude ou de la manœuvre dolosive est engagée, à moins qu’ils ne démontrent avoir agi avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente.
La responsabilité des administrateurs de l’entreprise en fonction au moment de la fraude ou de la manœuvre dolosive est également engagée s’il est établi qu’ils savaient ou qu’ils auraient dû savoir qu’une fraude ou une manœuvre dolosive a été commise relativement au contrat visé, à moins qu’ils ne démontrent avoir agi avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente.
Les entreprises et les personnes physiques visées au présent article sont solidairement responsables du préjudice causé, à moins que l’organisme public n’y renonce. »
En lien avec ce même article, la Loi prévoit également que le préjudice est présumé correspondre à la somme réclamée par l’organisme public, et ce, jusqu’à concurrence de vingt pourcent (20%) du montant total acquitté pour le contrat. Or, l’organisme public pourra réclamer une somme supérieure à celle-ci, sous réserve évidemment qu’il puisse en faire la preuve.
De plus, contrairement au montant forfaitaire payable par les participants du programme de remboursement volontaire susmentionné, il est prévu que le tribunal devra, le cas échéant, ajouter à la somme qu’il accordera en réparation du préjudicie subi, un montant forfaitaire égal à vingt pourcent (20%) de cette somme.
Cette Loi établit également un délai de prescription exceptionnel permettant aux organismes publics d’entreprendre des recours pour des actes s’étant produits jusqu’à vingt (20) ans précédant la date d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, et ce, à condition que leurs recours soient introduits dans les cinq (5) ans suivant l’entrée en vigueur. À cet effet, il est prévu que les dispositions relatives aux recours judiciaires entreront en vigueur ultérieurement, et ce, possiblement afin d’encourager les personnes et entreprises visées à s’assujettir d’abord au programme de remboursement volontaire.
En conclusion, nous sommes d’avis que la Loi offre, par le biais du programme de remboursement volontaire, une opportunité intéressante aux personnes et aux entreprises visées. Il est fort à parier que les dirigeants et administrateurs concernés souhaiteront toutefois éviter de voir leur responsabilité personnelle engagée. En ce qui concerne les mesures prévues par la Loi relativement aux recours civils à être entrepris par les organismes publics, il faudra néanmoins attendre encore quelques années avant de pouvoir constater leur application concrète et les impacts de celles-ci sur les recours entrepris.