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Droit municipal, public, scolaire et de la santé

Taxation

Recours en inopposabilité d’un règlement décrétant une taxe spéciale

Par : Brunette, Jean-François

21 septembre 2023

Le 14 mai 2015, l’Honorable André Wery, J.C.S. rendait un jugement dans l’affaire 2622-6241 Québec inc. c. Berthierville (Ville de), 2015 QCCS 2125 (CanLII).

En 2008, la Ville avait adopté un règlement d’emprunt afin de financer la réalisation de travaux de construction d’un nouveau boulevard, lesquels comprenaient divers volets, dont notamment l’implantation d’un réseau d’aqueduc et d’égouts sanitaire et pluvial.

Ce règlement prévoyait que la portion non subventionnée des travaux serait financée dans une proportion de 73% par les immeubles imposables situés en bordure du futur boulevard et ce, au moyen d’une taxe spéciale établie en fonction de leur étendue en front.

La demanderesse, propriétaire d’un immeuble visé par ladite taxe, cherchait à être exemptée du paiement de celle-ci en demandant au Tribunal de déclarer le règlement d’emprunt inopposable à son égard.

Un des arguments soulevés par la demanderesse était que son immeuble ne retirait aucun bénéfice des travaux effectués par la Ville.

Cet immeuble était déjà accessible, préalablement à la réalisation des travaux, par un chemin privé asphalté que la demanderesse avait aménagé avec le propriétaire voisin et qui suivait un tracé similaire à celui du nouveau boulevard dans sa portion reliant l’immeuble de cette dernière. De plus, la demanderesse s’était antérieurement raccordée aux infrastructures sanitaires et d’aqueduc qui existaient le long d’une autre voie publique située à proximité de son terrain.

Sur ce point, la Cour a rappelé que le bénéfice découlant de travaux n’a pas nécessairement à être immédiat; il suffit qu’il soit éventuel. En l’espèce toutefois, non seulement l’immeuble de la demanderesse est appelé à bénéficier du développement économique éventuel du secteur, mais il retire déjà une multitude d’avantages des travaux.

Parmi les avantages retenus par le Tribunal, mentionnons notamment que :

  •  la demanderesse n’a plus à assumer les coûts d’entretien de l’ancien chemin privé et l’accès à son terrain se fait désormais par un boulevard à trois voies plus fonctionnel bordé de bornes-fontaines et de lampadaires;
  •  l’immeuble est maintenant relié de façon plus directe et sur toute sa façade à un réseau d’aqueduc et d’égout moderne;
  •  la présence du nouveau boulevard, se prolongeant au-delà du terrain de la demanderesse, aura pour effet d’augmenter l’achalandage devant son commerce.

De plus, la Cour a indiqué qu’un propriétaire « ne peut opposer son autosuffisance pour refuser de contribuer à des travaux qui seraient susceptibles de lui profiter ». Autrement, l’assujettissement aux taxes deviendrait facultatif, mettant ainsi en péril la réalisation de nombreux projets d’intérêt public.

Quant à l’argument invoqué par la demanderesse à l’effet que la taxe spéciale serait abusive et injuste, il a également été rejeté.

De l’avis de la Cour, aucune preuve de mauvaise foi n’ayant été apportée, il n’y a pas lieu de s’immiscer dans la discrétion de la Ville quant à sa décision de taxer en utilisant l’étendue en front des immeubles plutôt que leur superficie.

La demanderesse ne peut prétendre qu’il y a abus du seul fait que, dans son cas particulier, il aurait été plus avantageux qu’une méthode de taxation différente soit retenue.