L’actualité récente a soulevé de nouveau les questions éthiques et juridiques relatives aux questionnaires médicaux de pré-embauche[1] et aux pratiques administratives de certains employeurs. Certains y voient intrusion injustifiée dans la vie privée, d’autres y voient des mesures de prudence et de prévention liées à la santé et la sécurité des travailleurs. Quelle est la voie à privilégier ?
En application du principe de la liberté contractuelle, un employeur a le droit de formuler certaines conditions pour s’engager dans un contrat d’emploi. La curiosité n’est pas condamnable, mais il faut l’exercer avec prudence »[2]
À cet égard, l’employeur a le droit sinon le devoir de vérifier si le candidat possède les aptitudes et qualités requises pour exécuter sa prestation de travail. Cette faculté de l’employeur a d’autant plus d’importance qu’il devra offrir au salarié des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique. L’obtention des informations sur des antécédents médicaux pourra donc, dans cette perspective, s’avérer nécessaire. Mais lesquelles ?
Comme l’indique l’Honorable Juge Louis Rochette de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire de Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867
M’inspirant de la méthode d’analyse développée par la Cour suprême dans l’arrêt Méiorin[55], qui est applicable à l‘article 20 de la Charte [56], je retiens que l’employeur doit démontrer que les renseignements sont requis dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause et qu’ils sont raisonnablement nécessaires pour réaliser ce but légitime lié au travail.Ainsi, le droit de l’employeur d’obtenir des informations du postulant doit être modulé en fonction de l’emploi convoité et des tâches à accomplir. De la même façon, les lois assurant la protection des renseignements personnels et le Code civil prévoient que seuls les renseignements nécessaires ou pertinents à la constitution d’un dossier peuvent être collectés[. La cueillette de l’information médicale ne doit pas être utilisée pour embaucher seulement le candidat en parfaite santé qui représente le moins de risque d’absentéisme. L’employeur est en droit d’imposer des exigences en regard des aptitudes requises pour l’exercice d’un emploi, mais ces exigences doivent être raisonnables et avoir un lien rationnel avec l’emploi »[3]
Il est à notre avis inapproprié pour un employeur de dresser des questionnaires médicaux de pré-embauche de « taille unique » (ou comme l’expression anglaise l’indique « one size fits all »).
La recherche des informations pertinentes sur les antécédents médicaux du candidat doit être adaptée au type d’emploi postulé. Il doit exister une relation raisonnablement nécessaire entre l’information demandée et les caractéristiques de l’emploi. Tel est le cas par exemple sur la capacité d’un candidat à soulever des objets lourds et certains antécédents musculo-squelettiques, ou comme dans l’affaire du CHR de Trois-Rivières, sur les problèmes de dépendances à la consommation de drogues et d’alcool pour un infirmier auxiliaire.
La revue des questionnaires médicaux de pré-embauche pourrait s’imposer s’ils ne sont pas adaptés aux fonctions et emplois en cause. L’obtention des antécédents médicaux pertinents d’un postulant n’est pas une affaire de curiosité mais il faut exercer cette faculté avec prudence…
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[1]https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1083186/questionnaires-medical-embauche-controverses-ville-montreal; http://www.lapresse.ca/actualites/education/201801/26/01-5151554-universite-laval-un-questionnaire-medical-dembauche-juge-intrusif.php
[2] Citation attribuée au Professeur Albus Dembledore, personnage de la série Harry Potter
[3] Aux paragraphes 68 et 69