Résumons les faits d’un dossier plaidé par la soussignée devant la Cour d’appel du Québec alors que nous représentions une Caisse populaire qui revendiquait la priorité de sa garantie.
Un individu, faisant affaires sous une raison sociale, demande un financement auprès d’une Caisse populaire qui accepte tel financement garanti cependant par l’universalité des créances. Bien que non spécifique, la garantie sur les créances porte notamment sur un solde de prix de vente d’un immeuble pour lequel l’individu reçoit mensuellement un paiement. L’hypothèque mobilière est dûment publiée au Bureau de la Publicité des Droits Personnels et Réels Mobiliers.
Quelques jours plus tard, devant un besoin de liquidité immédiat, le même individu vend à un tiers sa créance qui était également assortie d’une hypothèque immobilière (solde de prix de vente). Cette cession de créance est publiée par le notaire instrumentant au Bureau de la Publicité des droits du Registre Foncier de la circonscription concernée.
Quelques mois plus tard, l’individu devient insolvable et la Caisse populaire exerce sa garantie sur les créances connues, dont celle précitée. Évidemment, le tiers acheteur de la créance s’oppose au paiement à la Caisse et invoque priorité liée à son hypothèque immobilière.
À qui ira la créance garantie tant par hypothèque mobilière qu’immobilière dans les circonstances? Une piste? La nature de la créance. Bien que la Cour supérieure ait d’abord décidé de qualifier la créance (solde de prix de vente) rattachée à l’immeuble d’immobilière, la Cour d’appel a reconnu de façon unanime, que la garantie consentie sur créance même si elle est assortie d’une garantie immobilière, est avant tout mobilière.
La Caisse a donc eu gain de cause étant donné la publication de sa garantie sur l’universalité de créances au Registre des Droits Personnels et Réels Mobiliers. Ce débat a mis en lumière le fait que la nature primaire d’une créance est mobilière et relève donc, au niveau de la publicité, du Registre des Droits Personnels et Réels Mobiliers. Bien que cette créance puisse provenir ou être en lien avec un bien immobilier, le créancier d’une universalité de créances n’aura pas l’obligation de l’inscrire au Registre foncier.
De façon pratique, cette décision doit éveiller un état d’alerte quant à la nature d’une créance avant d’opter pour sa prise en garantie, et de s’assurer de vérifier les deux systèmes de publicité des droits, tant mobiliers qu’immobiliers pour participer au rang d’une garantie. Dans ce dossier présenté à la Cour d’appel, le débiteur avait offert à un créancier envers qui il s’était endetté, une garantie immobilière sur un solde de prix de vente d’immeuble dont il était lui-même créancier et il fut décidé que son acte d’hypothèque immobilière, bien qu’inscrit en premier rang sur l’immeuble (Registre foncier) était, dans les faits, en second rang puisque la publicité au Registre des Droits Réels Mobiliers sur l’universalité des créances du débiteur en question, inscrite antérieurement, tenait lieu de premier rang sur cette créance.
Caisse populaire Desjardins de la Ouareau c. Gilles Dandurand et als, C.A. Montréal, 500-09-009288-002, le 29 janvier 2003, Juges Melvin L. Rothman, Louise Mailhot et Jacques Chamberland