Ce conseil juridique de Dunton Rainville a originalement été publié dans l’infolettre de la Chambre de commerce et d’industrie du Saint-Jérôme métropolitain, dont le cabinet est partenaire pilier.
Le fait d’enregistrer une personne à son insu, notamment lors d’une réunion de travail ou d’une conférence téléphonique, soulève de nombreuses questions qui ont une portée juridique. Ainsi, que peut-on enregistrer? Qu’est-ce qui est considéré comme illégal? Doit-on informer au préalable la personne concernée qu’elle est enregistrée? Peut-on diffuser le contenu de ces conversations? Quel est l’état de la jurisprudence dans ce domaine sensible? Le présent texte a pour objet de répondre succinctement à certaines de ces questions.
Dans le cadre d’une poursuite civile, la recherche de vérité justifie qu’une personne puisse utiliser l’enregistrement de sa conversation avec autrui pour servir d’élément de preuve contre cette personne sans que cela ne porte atteinte à ses droits fondamentaux. Cependant, pour être admissible en preuve, l’origine et l’intégrité de l’enregistrement doivent être assurées. De plus, cet enregistrement doit porter sur des faits pour lesquels la preuve testimoniale est admise.
Qu’en est-il dans un contexte non judiciaire? Une personne peut légitimement s’attendre à ce que sa conversation avec son interlocuteur ne soit pas partagée, et encore moins utilisée dans le but de lui nuire. Lorsqu’une personne se fait enregistrer à son insu et que cet enregistrement est subséquemment diffusé, cela pourrait constituer une violation de ses droits fondamentaux.
La Charte des droits et libertés de la personne (ci-après « Charte ») du Québec protège les droits à la dignité, à l’honneur et à la réputation, ainsi que le droit à la vie privée, selon les articles 4 et 5. En outre, les articles 35 et 36 du Code civil du Québec prévoient également des dispositions afin de protéger ces droits. Il est notamment précisé que le fait d’utiliser volontairement une communication privée peut être considéré comme une atteinte à la vie privée.
Pour déterminer s’il y a eu violation du droit à la vie privée lors de la diffusion d’une conversation enregistrée à l’insu d’un interlocuteur, on doit prendre en considération la nature de la conversation, l’expectative de confidentialité entre les personnes relativement à cette conversation, ainsi que les fins pour lesquelles elle a été enregistrée.
Dans l’arrêt Éditions Vice-Versa inc. c. Aubry, la Cour suprême du Canada rappelle que l’application des articles 4 et 5 de la Charte s’articule autour des grands principes de la responsabilité civile, à savoir la nécessité de prouver l’existence d’une faute, d’un dommage subi ainsi qu’un lien de causalité direct et immédiat entre les deux.
Cela dit, la diffusion d’un enregistrement pris à l’insu d’une personne dans le but de lui nuire pourrait constituer une atteinte illicite et intentionnelle à ses droits fondamentaux. Des dommages-intérêts punitifs pourraient ainsi lui être octroyés en vertu de l’article 49 de la Charte, et même de façon autonome en l’absence d’un préjudice indemnisable.
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