Nous désirons attirer l’attention des municipalités sur le récent jugement de la Cour d’appel dans la cause Arrangement relatif à Bloom Lake General Partner Limited<1> du 9 janvier 2017 qui a un effet important sur les taxes municipales dans le cadre de dossiers régis par la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies<2> (ci-après « LACC »).
Dans cette affaire, la compagnie Bloom Lake a obtenu des ordonnances en vertu de la LACC. Suite à l’émission de ces ordonnances, la Ville, créancière de taxes municipales, a produit une preuve de réclamation initiale de plus d’un million trois cent mille dollars (1 300 000 $) et a continué à transmettre au contrôleur des factures pour de nouvelles taxes municipales pour un total de neuf millions deux cent mille dollars (9 200 000 $) dues préalablement à la vente aux nouveaux acquéreurs.
Les immeubles ont été vendus à de nouveaux propriétaires en mars 2016 suite à l’obtention d’ordonnances d’approbation et de dévolution qui n’ont jamais été contestées par la Ville de Sept-Îles.
Dans un jugement de première instance, les nouveaux acheteurs ont demandé à la Cour supérieure de déclarer « qu’ils ne sont pas responsables, à quelque titre que ce soit, de quelque taxe due à la municipalité pour la période antérieure à leur achat »<3>.
Le juge de première instance se réfère aux ordonnances d’approbation et de dévolution émises et non-contestées et souligne que « les ordonnances d’approbation et de dévolution visent non seulement les droits réels, mais aussi les droits personnels qui suivent l’immeuble : l’énumération des droits purgés par le paragraphe 13 inclut les items suivants : « claims », « liabilities » (direct, indirect, absolute or contingent) », « obligations » et « debts ». Ce sont clairement des droits personnels »<4>.
Le jugement de première instance a retenu les arguments présentés par les nouveaux acheteurs et a déclaré que les acheteurs n’étaient pas responsables à quelque titre que ce soit de quelque contribution ou taxe due à la Ville de Sept-Îles relativement aux immeubles, et ce, pour la période préachat. La Cour supérieure confirmée par la Cour d’appel a rejeté les arguments invoqués par la Ville relativement à l’article 498 de la Loi sur les cités et villes qui institut un recours personnel contre l’acheteur d’un immeuble pour les taxes municipales impayées sur cet immeuble. Le tribunal conclut donc que le droit personnel de la Ville pour le paiement d’arrérages de taxes et d’intérêts est purgé par les ordonnances.
La résultante de cette affaire, qui devra faire l’objet d’un suivi pour connaître s’il y aura ou non une demande de pourvoi à la Cour suprême, démontre l’importance pour les municipalités d’agir préventivement dans le cadre de toute situation d’insolvabilité de la LACC pour faire valoir et protéger leurs droits sur les taxes municipales. Un créancier, peu importe son statut, a toujours le devoir de veiller à la protection de ses intérêts.
<1> 2017 QCCA 15.
<2> L.R.C. (1985), c. C-36.
<3> Jugement de première instance, 2016 QCCS 5620, par. 1.
<4> Ibid, par. 37.
Cet article a été publié également sur le site de Québec Municipal.