Le 25 septembre 2019, la Cour d’appel du Québec, sur division, a accueilli l’appel de la Ville de Montréal et renversé le jugement de la Cour supérieure rendu le 22 septembre 2016 qui avait déclaré inconstitutionnel le Règlement de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal interdisant les panneaux publicitaires sur l’ensemble de son territoire et qui forçait l’enlèvement de tous ceux déjà érigés légalement dans un délai de 12 mois.
Par ce jugement, la majorité de la Cour d’appel, pour les motifs rendus par l’honorable juge Simon Ruel auxquels souscrit l’honorable juge François Pelletier, a déclaré, à l’opposé du juge de première instance, que les effets préjudiciables sur la liberté d’expression résultant de la prohibition des panneaux publicitaires sur le territoire de l’arrondissement sont proportionnés avec l’objectif visant la diminution de la pollution visuelle et avec les effets bénéfiques qui découleront de cette prohibition. Par conséquent, la majorité de la Cour d’appel déclare constitutionnellement valide le Règlement de l’arrondissement.
La majorité de la Cour d’appel a d’abord déclaré dans ses motifs que l’article 157 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal autorise un arrondissement à décréter par règlement une prohibition totale des panneaux publicitaires sur son territoire, incluant le démantèlement de ceux érigés légalement. Elle déclare également que lorsque la Loi permet à une municipalité de mettre fin à des droits acquis, cette dernière doit soit indemniser la personne visée, soit lui permettre d’« amortir » ses droits acquis.
La majorité de la Cour d’appel ordonne donc aux trois entreprises d’affichage exploitant des panneaux publicitaires dans l’arrondissement de les démanteler dans un délai de six mois.
Cependant, l’honorable juge Mark Schrager signe des motifs distincts contenant une forte dissidence avec l’opinion de ses collègues.
Tout d’abord, il déclare que l’article 157 de l’annexe C de la Charte de la Ville de Montréal n’autorise pas un arrondissement à prohiber les panneaux publicitaires sur l’ensemble de son territoire et que le Règlement contesté aurait dû être annulé dès le départ pour ce motif.
Ensuite, il considère que le juge de première instance n’a commis aucune erreur de droit en appréciant la preuve faite devant lui et en concluant que le préjudice bien certain qu’allait causer à la liberté d’expression le démantèlement de 38 structures publicitaires était disproportionné par rapport aux supposés effets bénéfiques qui en résulteraient sur le paysage urbain. Dans ce contexte, le juge dissident conclut que si le Règlement n’avait pas été ultra vires des pouvoirs de l’arrondissement, celui-ci aurait dû être déclaré inconstitutionnel parce qu’il porte atteinte de manière déraisonnable à la liberté d’expression.
Tel qu’on peut le constater, il s’agit d’un dossier donnant lieu à des opinions bien différentes au sein même de la formation de juges ayant entendu le dossier au nom de la Cour d’appel. Il n’y aurait donc rien de surprenant à ce que ce jugement fasse l’objet d’une demande d’autorisation d’en appeler devant le plus haut tribunal du pays afin que soit fixée la portée des pouvoirs des autorités municipales à l’égard des panneaux publicitaires légalement érigés.