
Article par :
Julien Collin
L’achat d’un immeuble est une transaction d’envergure qui repose sur une promesse d’achat engageant les parties à respecter des conditions précises. L’une des clauses essentielles concerne l’engagement de l’acheteur à fournir une preuve de financement dans un délai déterminé. La jurisprudence récente confirme entre autres que ce délai constitue un délai de rigueur, ce qui signifie qu’il doit impérativement être respecté, sous peine de rendre la promesse d’achat nulle et non avenue.
En droit contractuel, un délai est dit de rigueur lorsque son non-respect entraîne automatiquement l’extinction des obligations liées au contrat, sans qu’une mise en demeure ne soit nécessaire. Cette notion est particulièrement importante en matière de promesses d’achat immobilières, où les parties conviennent souvent d’un délai précis pour que l’acheteur obtienne un engagement hypothécaire.
Bien que la jurisprudence reconnaisse généralement que les délais impartis à l’offre d’achat d’un immeuble ne sont pas nécessairement de rigueur, ce principe souffre de certaines exceptions, plus particulièrement lorsque les parties l’ont prévu expressément.
Récemment, dans l’affaire Bérard c. Garage Michel Plante (2022 QCCS 4048) l’acheteur, M. Bérard, avait signé une promesse d’achat contenant une clause lui imposant de fournir une preuve de financement dans un délai de 14 jours. À l’expiration de ce délai, il n’avait pas fourni la preuve exigée. Il a ensuite tenté de fournir une preuve de liquidité provenant d’un tiers (son père), ce qui ne correspondait pas aux termes de la promesse d’achat.
Le vendeur a donc invoqué la clause contractuelle prévoyant qu’en cas d’absence de financement, la promesse d’achat devenait nulle et non avenue. Le tribunal a confirmé que le délai de 14 jours était un délai de rigueur, soulignant que les termes du contrat étaient clairs et que l’acheteur ne pouvait pas prolonger le délai unilatéralement ou le contourner en fournissant une preuve alternative.
Dans ce contexte, aux termes de son jugement, la juge Johanne Brodeur précise ce qui suit:
« Le Tribunal considère comme étant de rigueur, les deux délais inscrits aux contrats, soit aux paragraphes 6.3 b) et au dernier paragraphe de 6.3. Difficile d’exprimer plus clairement les conséquences du non-respect des délais. » (par. 19)
La promesse d’achat ayant alors été considérée nulle et non-avenue, le défendeur a été débouté de sa demande en dommages contre le vendeur au stade préliminaire de la demande en rejet.
Ce principe a d’ailleurs été confirmé ultérieurement dans la décision Brabant c. Diminni (2023 QCCS 1667), où le juge saisi du dossier a aussi rappelé que, même en cas de discussions informelles entre les parties, un contrat ne peut être modifié sans un accord formel. Dans cette affaire, le tribunal avait refusé d’ordonner la passation de titre et a ainsi rejeté le recours des acheteurs.
Ces décisions soulignent aux parties certains enjeux liés à une promesse d’achat et les conséquences strictes du non-respect des délais de financement, à savoir :
- Pour les acheteurs : il est crucial de respecter les délais prévus pour obtenir et fournir la preuve de financement. Un simple engagement verbal ou un document attestant de la liquidité d’un tiers ne suffira pas;
- Pour les vendeurs : ils sont en droit de considérer la promesse d’achat comme éteinte si le financement n’est pas obtenu dans les délais convenus, sans avoir à négocier une extension de délai;
- Pour les courtiers et professionnels de l’immobilier : il est essentiel d’être clairs avec leurs clients quant à la rigueur des délais et aux conséquences d’un non-respect de ceux-ci.
La jurisprudence récente illustre bien l’importance du respect des délais de financement en matière immobilière. En prévoyant un délai dans une promesse d’achat, les parties s’engagent à le respecter sous peine de voir la transaction annulée.
Les acheteurs doivent donc être extrêmement vigilants et s’assurer de transmettre une confirmation de leur financement hypothécaire dans le délai imparti, sans quoi ils risquent de perdre l’opportunité d’acquérir l’immeuble souhaité.