Par Me Joël Beaudoin, avocat, MBA, au sein de l’équipe du cabinet Dunton Rainville
De par sa récente ascension en popularité médiatique et politique, l’immigration au Canada fait l’objet de plusieurs rumeurs, croyances et incertitudes notamment concernant l’éligibilité au parrainage. Bien que souvent oublié au profit des demandes de refuges, le parrainage basé sur la relation conjugale constitue, encore aujourd’hui, un important vecteur d’obtention de la résidence permanente.
Plus précisément, en 2015 plus de 46 000 résidences permanentes furent octroyées en vertu de ce programme d’immigration, en 2016 et 2017 les nombres montent respectivement à plus de 47 000 et plus de 58 000 résidences permanentes octroyées[1].
Les articles 12 et 13 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[2] attribuent le droit à un citoyen canadien ou à un résident permanent canadien de parrainer un étranger. L’admissibilité des étrangers au parrainage sur la base d’une relation conjugale est pour sa part encadrée par la partie 7 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés[3].
La législation reconnait trois types de relations conjugales : les époux, les conjoints de faits et les partenaires conjugaux.
L’agent d’immigration chargé d’étudier la demande devra définir la relation entre la personne qui parraine et celle qui sera parrainée afin de déterminer s’il s’agit d’une réelle relation conjugale[4]. Ainsi, l’agent devra, notamment, baser son examen sur la demande et les documents joints en faisant une analyse des critères suivants :
- le degré important d’attachement, tant physique qu’affectif;
- l’existence d’une relation exclusive;
- l’engagement mutuel et permanent à l’égard d’une vie commune;
- l’interdépendance affective et financière[5].
Par contre, les relations visant principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR ou la relation qui n’est pas jugée authentique seront refusées[6].
1. Époux
Bien qu’il s’agisse du type d’union le plus répandu, certaines précisions s’imposent. Aux fins de l’immigration, le mariage doit soit :
- avoir eu lieu légalement au Canada;
- avoir eu lieu à l’étranger et être reconnu à la fois par les lois du pays où il a été contracté et par les lois canadiennes[7].
Une attention particulière est apportée au mariage contracté à l’étranger puisqu’il doit être conclu valablement selon les lois du pays concerné. On remarque, aussi, que la législation canadienne, en ligne avec sa Charte des Droits et Libertés, ne distingue pas l’orientation sexuelle ou l’orientation religieuse des époux[8].
Contrairement à certains préjugés, le mariage n’est pas une garantie d’acceptation de la demande ni d’un traitement facilité. L’agent qui étudiera le dossier devra évaluer l’authenticité de l’union au même titre que les autres demandes, et ce, en vertu des mêmes critères précités.
- Conjoint de fait
En vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[9] l’union de fait est acquise lorsque deux personnes ont cohabité pendant plus de 12 mois consécutifs tout en entretenant une relation conjugale[10]. Cette forme de relation est évaluée en fonction de la qualité et de la quantité de la preuve démontrant la coexistence de ces deux critères. Tout comme le mariage, l’union de fait concerne les conjoints sans distinction d’orientation sexuelle ou religieuse.
Il est à noter que la cohabitation peut avoir eu lieu au Canada comme à l’étranger à condition qu’elle ait été continue pendant 12 mois consécutifs sans intermittence sauf pour quelques absences ponctuelles d’un des conjoints notamment en raison du travail, des affaires ou pour des obligations familiales[11].
Bien que l’union de fait implique habituellement une cohabitation effective au moment de la présentation de la demande, une cohabitation antérieure et récente pourrait être jugée comme suffisante. Par exemple, un couple ayant dû, après un an de cohabitation, se séparer suite à un conflit armé, de la maladie d’un membre de la famille ou pour des raisons liées aux études ou à un travail pourrait être admissible au parrainage à titre de conjoints de fait s’il démontre la cohabitation antérieure, le maintien de la relation conjugale malgré la séparation et l’intention de reprendre la vie commune dès que possible[12]. Évidemment, plus la cohabitation est ancienne, plus sa preuve devra être étoffée et non équivoque.[13]
Finalement, une personne séparée, mais non divorcée, peut être admissible à être parrainée si son mariage a été rompu et qu’elle cohabite avec le nouveau conjoint de fait / partenaire depuis au moins un an après sa séparation de son époux[14].
- Le partenaire conjugal
Cette catégorie de parrainage vise le cas exceptionnel d’une personne résidant à l’étranger qui entretient une relation conjugale avec un résident permanent ou citoyen canadien depuis au moins un an mais n’a pas la possibilité de cohabiter avec son partenaire pour des raisons indépendantes de sa volonté[15].
La catégorie des partenaires conjugaux s’adresse donc aux couples pour qui l’union de fait ou le mariage est impossible (habituellement pour des motifs religieux, d’orientation sexuelle ou d’immigration[16]) dans les pays de résidence des partenaires. Évidemment, une preuve solide et étoffée concernant le maintien de la relation conjugale malgré la séparation sera requise.
Il faut cependant garder en tête que cette catégorie ne regroupe que des cas exceptionnels et que l’agent devra être convaincu :
- qu’il y a un degré significatif d’attachement entre les partenaires (relation physique et d’interdépendance);
- qu’ils entretiennent une relation authentique depuis au moins 12 mois;
- que le mariage ou la cohabitation n’est pas possible en raison d’obstacles indépendants de la volonté de chacun[17].
Pour conclure, peu importe sous quelle catégorie de parrainage la demande est présentée, son admissibilité sera une question de preuve documentée et nécessitera un traitement au cas par cas. Bien que le gouvernement fédéral mette en ligne des outils pour guider la présentation d’une telle demande, la consultation d’un avocat avant la soumission d’un tel dossier est conseillée afin d’éviter des délais supplémentaires et/ou un éventuel refus.
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[1] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Résidents permanents – Mises à jour mensuelles d’IRCC », consulté le 7 mai 2018, en ligne : https://ouvert.canada.ca/data/fr/dataset;
[2] Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (ci-après « L.I.P.R. »).
3 Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227(ci-après « R.I.P.R. »).
- Citoyenneté et Immigration Canada, « IP8 – Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada», 2015, p.28.
[5] Id.
[6] L.I.P.R., LC 2001, c 27, art. 4.
[7] R.I.P.R., DORS/2002-227, art. 2.
[8] Citoyenneté et Immigration Canada, « OP 2 – Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial », 2006, p.29.
[9] L.I.P.R., LC 2001, c 27, art. 4.
[10] R.I.P.R., DORS/2002-227, art.1.
[11] Citoyenneté et Immigration Canada, préc. note 8, p. 27.
[12] Id.
[13] Id., p. 28.
[14] Citoyenneté et Immigration Canada, préc. note 4, p.30.
[15] Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, « Parrainer votre époux, votre conjoint de fait, votre partenaire conjugal ou un enfant à charge Guide complet (IMM 5289) », consulté le 7 mais 2018, en ligne : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/demande/formulaires-demande-guides/guide-5289-parrainer-votre-epoux-votre-conjoint-fait-votre-partenaire-conjugal-enfant-charge-guide-complet.html.
[16] Citoyenneté et Immigration Canada, préc. note 8, p. 31.
[17]Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, préc. note 15.