Skip to main content

Droit de la famille

Droit civil, assurances, construction et familial

Les urgences parmi l’état d’urgence – Qu’en est-il du droit familial?

Par : Grant, Julie

21 septembre 2023

Urgence, du latin urgens qui signifie pressant.

La COVID-19 nous a rapidement précipités dans un véritable engouement de mesures mises en place par le gouvernement et, notamment, au niveau des tribunaux du Québec.

En effet, le 13 mars dernier, un communiqué de la Cour supérieure du Québec nous informait des mesures applicables dans les palais de justice précisant, de surcroit, les activités judiciaires jugées urgentes.

Parmi celles-ci se trouvaient, entre autres, « les demandes pour garde et aliments », « l’habeas corpus » ainsi que les « ordonnances de sauvegarde » et « toute autre matière jugée urgente par la magistrature ».

L’urgence

Dans le contexte normal d’un litige en droit familial, une partie désirant présenter une demande de sauvegarde au Tribunal, afin que celui-ci puisse trancher une question concernant la garde d’enfant, par exemple, doit d’abord s’assurer de répondre aux critères d’urgence, à défaut de quoi la partie demanderesse pourrait se voir refuser une telle ordonnance.

Alors que la jurisprudence nous enseigne que les questions touchant la garde des enfants sont naturellement urgentes, il est cependant important de distinguer cette notion du critère d’urgence, au sens donné par le Code de procédure civile.

Dans les faits, afin de répondre à ce critère lors d’une demande de sauvegarde, le Tribunal doit être convaincu « qu’il est en présence d’une situation exceptionnelle et que le changement requis de façon immédiate est justifié par la protection du meilleur intérêt de l’enfant ».

Il est important de rappeler que ce type de demande est entendu sans témoignage, rendant la tâche beaucoup plus difficile pour le tribunal de trancher ces questions pouvant effectivement venir modifier le statu quo.  Ainsi, l’audition se déroule en se basant sur les allégations des parties, contenues dans leurs déclarations sous serment respectives, lesquelles sont ensuite plaidées devant le tribunal.

L’urgence et la COVID-19

Suivant cette première communication en début de pandémie, la Cour supérieure du Québec a ensuite transmis divers communiqués, directives, et messages, de façon régulière, lesquels comportaient des précisions quant aux matières jugées urgentes, compte tenu des ressources judiciaires limitées.

Dans les faits, depuis le début de cette urgence sanitaire, les tribunaux ont maintes fois rappelé la règle voulant que les anciens jugements et ordonnances demeuraient en vigueur, sauf urgences.  Malgré ces rappels, la Cour supérieure a néanmoins été appelée à se pencher, à plusieurs reprises, sur des questions touchant la garde ou la pension alimentaire, où l’une des parties désirait modifier le statu quo.

Comme toujours, au cœur des préoccupations des tribunaux viennent d’abord la santé physique et le bien-être psychologique de l’enfant. Il a cependant fallu dans plusieurs palais plus occupés que la Cour fasse d’abord un tri des demandes présentées en urgence avant que celles-ci puissent être entendues. Dans de nombreux cas, ces demandes ont été refusées à cette première étape, n’étant pas jugées suffisamment urgentes, à ce moment.

Les tribunaux suscitaient, du même coup, la collaboration des parties tout en leur rappelant leur devoir de coopération, lequel est d’ailleurs prévu au Code de procédure civile.

Dans une des premières décisions rendues en début de pandémie, un juge de la Cour supérieure de l’Ontario, chambre de la famille, était appelé à se prononcer sur une question urgente en lien avec la COVID-19.  Dans ce dossier, la mère avait soumis une demande de sauvegarde, désirant modifier le statut quo de la garde, tout en invoquant la situation de crise.

Le juge a rappelé plusieurs des principes directeurs, conjugués aux réalités de la situation exceptionnelle que nous vivons. Au final, la demande de la mère fut refusée, le juge précisant qu’il n’était pas convaincu, à ce moment, de l’urgence soulevée par la mère, malgré le sérieux de ses préoccupations.

Alors que le retour à la normale s’amorce tranquillement, les tribunaux seront appelés à se prononcer sur de nouveaux enjeux (retour en classe, fréquentation de la garderie, camps de jour, droits d’accès impliquant des distances de transport plus importantes, etc.).

À l’instar de la conclusion du juge dans cette décision de l’Ontario, il sera important pour les parents de se rappeler, avant de s’adresser aux tribunaux pour soulever une question urgente, que « nous n’avons jamais vécu pareille situation [et que] nous allons tous devoir redoubler d’efforts – pour le bien de nos enfants » (Honorable A. Pazaratz).