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Les pouvoirs du Maire et du Directeur général

Par : Merleau-Bourassa, Julien

21 septembre 2023

Les pouvoirs du maire et du directeur général quant à la gestion d’une municipalité sont souvent confondus. L’analyse d’une récente décision de la Commission municipale du Québec nous permet de mieux comprendre la portée du droit du maire de surveiller, d’enquêter et de contrôler le travail des employés de la municipalité en vertu de l’article 142 du Code municipal du Québec1 et comment ce droit diffère de la responsabilité du directeur général de contrôler les activités de la municipalité.

Dans l’affaire Jean-Marc Belzile2, la Direction du contentieux et des enquêtes de la Commission municipale du Québec reproche entre autres au maire de la municipalité de Saint-Jean-de-la-Lande de s’ingérer dans la gestion de travaux municipaux en donnant des ordres aux employés municipaux et en exécutant une partie de leur travail.

Dans un premier temps, le juge administratif Michaud établit la distinction entre le rôle du maire, avec le pouvoir de surveillance, d’enquête et de contrôle des affaires de la municipalité, et le rôle de contrôle des activités du directeur général. Bien que le pouvoir du maire en vertu de l’article 142 du Code municipal du Québec soit d’une portée très large et s’applique dans une multitude de situations, dont l’inspection de chantiers de construction municipaux, il ne permet pas de donner des directives aux employés de la municipalité quant à leur travail3. En effet, le législateur a attribué la responsabilité de planifier, d’organiser, de diriger et de contrôler les activités de la municipalité au directeur général4, ce qui inclut le fait de donner des directives aux employés sur un chantier. Permettre au maire de donner des directives aux employés en place et lieu du directeur général amène une ingérence dans les pouvoirs attribués à ce dernier. Ainsi, dans le cadre de la réfection d’un ponceau, un maire ne peut donner d’ordres aux employés municipaux, mais peut surveiller ces derniers dans l’exécution de leurs tâches.

Dans un second temps, le juge Michaud précise que le pouvoir de surveillance du maire dans les affaires de la municipalité ne doit généralement pas faire en sorte que ce dernier effectue le travail dévolu aux employés municipaux. Par exemple, un maire ne pourrait utiliser son pouvoir de surveillance pour patrouiller les chemins municipaux afin d’en vérifier l’état. Il s’agit d’une tâche dévolue au responsable des travaux publics de la municipalité.

Cette règle comprend quelques exceptions, par exemple quand le maire se déplace pour constater un sinistre ou une situation dangereuse à la demande d’un citoyen. En effet, l’article 937 du Code municipal du Québec lui permet, dans des situations de force majeure, d’autoriser des dépenses qu’il juge nécessaires pour remédier à une situation, mais il doit « pouvoir constater la situation dangereuse ou le sinistre avant d’exercer ce pouvoir5 ».

Cette règle de séparation des pouvoirs du maire et du directeur général ainsi que des autres employés a notamment été précisée dans les décisions Alain6 et Larose7. Puisque le directeur général veille à l’exécution des décisions municipales et que le maire surveille les affaires de la municipalité, un maire qui s’ingère dans les pouvoirs des employés municipaux aurait à surveiller ses propres actes, ce qui pourrait créer de graves problèmes éthiques et déontologiques.

En conclusion, le pouvoir de surveillance, d’enquête et de contrôle du maire sur les affaires et les officiers de la municipalité lui permet de surveiller le travail des employés municipaux, mais ne lui permet pas de substituer ses fonctions à celles du directeur général dans l’imposition de directives aux employés ou encore d’exécuter le travail des employés municipaux. Un maire qui contrevient à ce principe et qui, de ce fait, enfreint une des dispositions du Code d’éthique et de déontologie des élus municipaux de sa municipalité s’expose à des sanctions qui vont de la réprimande à la suspension8.


1 RLRQ, c. 27.1.

2 (Re) Demande d’enquête en éthique et déontologie concernant l’élu, Jean-Marc Belzile, 2021 CanLII 102693 (QC CMNQ).
3 Id., par. 104.
4 Code municipal du Québec, RLRQ, c. C-27.1, art. 211.
5 (Re) Demande d’enquête en éthique et déontologie concernant l’élu, Jean-Marc Belzile, préc., note 2, par. 105.
6 Alain c. 3104-2955 Québec inc., 2001 CanLII 11766 (QC CS).
7 Larose c. Ville de Chambly, 2020 QCTAT 4215.
8 Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale, RLRQ, c. E-15.1.0.1, art. 31.