« Mon revenu ne concerne pas mon ex-conjoint ! »
Vraiment ? Le refus de transmettre sa preuve de revenus peut avoir d’importantes conséquences juridiques pour des parents qui ont mis fin à leur relation.
L’obligation de fournir sa preuve de revenus
L’article 596.1 du Code civil du Québec (C.c.Q.) se lit comme suit :
« Afin de maintenir à jour la valeur des aliments dus à leur enfant, les parents doivent, à la demande de l’un d’eux et au plus une fois l’an, ou selon les modalités fixées par le tribunal, se tenir mutuellement informés de l’état de leurs revenus respectifs et fournir, à cette fin, les documents prescrits par les règles de fixation des pensions alimentaires pour enfants édictées en application du Code de procédure civile (chapitre C-25.01).
L’inexécution de cette obligation par l’un des parents confère à l’autre le droit de demander, outre l’exécution en nature et les frais de justice, des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi, notamment pour compenser les honoraires professionnels de son avocat et les débours qu’il a engagés. » (nos italiques)
Ainsi, tous les parents séparés vivent l’une ou l’autre de ces situations, que ce soit selon une entente intervenue entre les parents ou selon les termes d’un jugement, à savoir le parent :
- Paye une pension alimentaire pour enfants ;
- Reçoit une pension alimentaire pour enfants ;
- Ne paye pas et ne reçoit pas de pension alimentaire pour enfants.
La loi stipule que si un jugement le prévoit ou que l’un des parents le demande, les parents doivent collaborer et s’échanger volontairement les documents exigés par les règles de fixation des pensions alimentaires, à savoir :
- Les déclarations de revenus fédérale et provinciale ainsi que les avis de cotisation de l’année précédente ;
- Les relevés de paye (ligne 200) ;
- Les revenus nets d’entreprise ou de travail autonome (ligne 202) ;
- Les états de revenus et dépenses des loyers nets (ligne 207).
La loi vise à permettre aux parents qui vivent l’une ou l’autre de ces situations de vérifier si un changement significatif apparait dans les revenus de l’ex-conjoint et si ce changement a un impact important dans le calcul de la pension alimentaire pour enfants.
Si c’est le cas, des démarches devront être entreprises pour établir ou modifier la pension alimentaire pour enfants.
ATTENTION : Des jugements ont considéré que malgré l’absence de demande de l’autre parent, le parent qui a un changement significatif dans ses revenus et qui ne le divulgue pas à l’autre s’expose aux pénalités prévues à l’article 596.1 C.c.Q. (Droit de la famille — 17 523 actualités).
Le refus de fournir sa preuve de revenus
Mais que se passe-t-il si l’un des parents refuse de fournir sa preuve de revenus ?
Selon le Journal des débats de l’Assemblée nationale concernant l’article 596.1 C.c.Q., la volonté du gouvernement est de permettre qu’un parent poursuive le parent qui refuse de fournir sa preuve de revenus et de lui demander le remboursement des frais reliés à la poursuite.
Nous avons trouvé quelques jugements dans lesquels l’article 596.1 C.c.Q. a permis d’autoriser (?) des demandes en justice. À la lecture de l’un de ces jugements, nous avons pu constater que, bien que le payeur de la pension alimentaire ait remis sa preuve de revenus dès qu’il en a reçu la demande en justice, le juge n’a pas hésité à le condamner à rembourser les frais que la mère avait dû engager pour obtenir ces documents.
Avant d’intenter une poursuite en justice, basée sur l’article 596.1 C.c.Q., il y a lieu de faire ce qui suit :
- Envoyer une demande écrite à l’autre conjoint, soit par courriel ou par courrier recommandé ;
- Envoyer une mise en demeure qui devra être signifiée par huissier, s’il n’y a pas de réponse à cette demande.
S’il n’y a pas de réponse à la suite de cette dernière demande, une poursuite en justice pourra être entreprise.
En plus de devoir rembourser les frais de justice, le refus de fournir sa preuve de revenus peut engendrer d’autres conséquences pour le parent. Par exemple, dans le cadre de poursuites fondées sur l’article 595 C.c.Q. qui se lit comme suit :
« On peut réclamer, pour un enfant, des aliments pour des besoins existant avant la demande; on ne peut cependant les exiger au-delà de trois ans, sauf si le parent débiteur a eu un comportement répréhensible envers l’autre parent ou l’enfant.
En outre, lorsque les aliments ne sont pas réclamés pour un enfant, ceux-ci peuvent l’être pour des besoins existant avant la demande sans néanmoins pouvoir les exiger au-delà de l’année écoulée; le créancier doit alors prouver qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir plus tôt, à moins qu’il n’ait mis le débiteur en demeure dans l’année écoulée, auquel cas les aliments sont accordés à compter de la demeure. » (nos italiques)
Le défaut de se conformer à l’obligation prévue à l’article 596.1 C.c.Q. peut être considéré comme un comportement répréhensible au sens de l’article 595 C.c.Q. et justifier une ordonnance rétroactive de plus de trois ans.
Pour tous les motifs exposés ci-dessus, pensez-vous vraiment que c’est une bonne idée de cacher vos revenus à votre ex-conjoint ou ex-conjointe ? Les frais, pénalités, dommages-intérêts et coûts supplémentaires qui pourraient découler d’un tel comportement en valent-ils vraiment la peine ?