Le 9 mai 2018, la Cour supérieure, sous la présidence de l’honorable Kirkland Casgrain, j.c.s., a tranché un litige opposant la Ville de Saint-Constant et son ancien maire, M. Gilles Pépin[1].
Cette affaire découle d’une enquête criminelle menée par l’Unité permanente anti-corruption (U.P.A.C.) qui a menés à des accusations de nature criminelle contre l’ancien maire Gilles Pépin en novembre 2013. Pour l’essentiel, les accusations étaient relatives à des gestes et décisions prises par M. Pépin, alors qu’il était maire de la Ville de Saint-Constant et qui concernaient l’administration ou le développement à long terme de la municipalité.
Presque deux ans plus tard, l’ensemble de ces accusations ont été purement et simplement retirées avec, pour conséquence, qu’il n’y a pas eu de procès criminel contre M. Pépin et encore moins de condamnation. Toutefois, celui-ci a dû engager des avocats pour assurer sa défense à l’égard de ces accusations criminelles, ce qui lui engendré, évidemment, des coûts importants.
Les honoraires légaux engagés par M. Pépin pour assurer sa défense, qui constituaient l’essentiel de sa réclamation (en plus des intérêts) une somme de 92 616,20$.
La Ville de Saint-Constant a refusé de payer cette somme, d’où la poursuite intentée. Outre le montant déjà indiqué, M. Pépin a également réclamé les frais associés aux recours ayant conduit à la présente décision, soit 35 000$.
En se basant sur l’article 604.6 de la Loi sur les cités et villes, M. Pépin a donc réclamé à la Ville de Saint- Constant, le remboursement de ce montant.
Rappelons que l’article 604.6 prévoit ce qui suit (extraits) :
604.6 Toute municipalité doit:
1° assumer la défense d’une personne dont l’élection comme membre du conseil de la municipalité est contestée ou qui est le défendeur ou l’intimé dans une procédure dont est saisi un tribunal et qui est fondée sur l’allégation de l’inhabilité de la personne à exercer la fonction de membre du conseil, de fonctionnaire ou d’employé de la municipalité ou d’un organisme mandataire de celle-ci;
2° assumer la défense ou la représentation, selon le cas, d’une personne qui est, soit le défendeur, l’intimé ou l’accusé, soit le mis en cause, dans une procédure dont est saisi un tribunal et qui est fondée sur l’allégation d’un acte ou d’une omission dans l’exercice des fonctions de la personne comme membre du conseil, fonctionnaire ou employé de la municipalité ou d’un organisme mandataire de celle-ci;
3° assumer la défense d’un membre du conseil qui fait l’objet d’une demande en vertu de l’article 312.1 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (chapitre E-2.2).
Si la personne assume, elle-même ou par le procureur de son choix, cette défense ou représentation, la municipalité doit en payer les frais raisonnables. La municipalité peut toutefois, avec l’accord de la personne, lui rembourser ces frais au lieu de les payer.
La municipalité est dispensée des obligations prévues aux deux premiers alinéas, dans un cas particulier, lorsque la personne renonce par écrit, pour ce cas, à leur application (…)
Dans une décision lapidaire, le juge Casgrain a accordé l’ensemble de la réclamation à M. Pépin, soit plus de 127 000$, montant auquel s’ajoutent les intérêts courus.
Le dossier de M. Pépin fait suite une longue saga, d’abord politique puis, au fil du temps, juridique. En effet, il s’avère que les adversaires politiques de M. Pépin étaient plutôt coriaces et la situation politique durant son administration et après était, pour le moins, tendue. C’est dans ce contexte que ses adversaires ont déposés des plaintes contre lui auprès de la police relativement à des faits pouvant conduire à des accusations de corruption, d’abus de confiance et de fraude. Ces plaintes mèneront effectivement à des accusations criminelles.
Dans son analyse, le juge rappelle d’abord que « bien sûr, qu’un crime commis par un membre du conseil d’une ville, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, n’est pas couvert par l’article 604.6 de la Loi des cités et villes. » Mais il poursuit en ajoutant que « tout autre cependant est la situation ou un membre du conseil a été accusé faussement ou à tort de commettre un crime à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, ou encore dont les accusations à son encontre ont été retirées. »
Puis, le juge rappelle que M. Pépin, qui n’a même pas fait l’objet d’un procès, bénéficie de la présomption d’innocence. Selon la preuve, il avait aussi démontré l’existence d’une défense sérieuse.
Compte tenu des circonstances, tout en invitant l’administration municipale actuelle à faire la paix, le juge a condamné la Ville à rembourser tous les honoraires extrajudiciaires réclamés. Cette décision a été portée en appel… il faudra suivre l’actualité judiciaire des prochains mois pour connaître la conclusion de cette saga.
[1] Pépin c. Ville de Saint-Constant, 2018 QCCS 2165