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Travail, emploi et immigration

Le non-respect des obligations en matière de santé et sécurité au travail mène à une peine d’emprisonnement : une première au Québec !

21 septembre 2023

Il est maintenant établi au Québec qu’un entrepreneur qui fait défaut de respecter ses obligations en matière de santé et sécurité au travail s’expose à une peine de prison.

Dans une décision rendue le 1er mars 2018,  un entrepreneur en construction fut reconnu coupable par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale d’avoir causé la mort de son employé.[1]

Fournier Excavation inc., dont le président Sylvain Fournier vient d’être reconnu coupable était l’employeur de Gilles Lévesque décédé à la suite d’un accident de travail. Alors que M. Lévesque accompagné de M. Fournier travaillait au remplacement d’une conduite d’égout, la tranchée au fond de laquelle ils se trouvaient s’effondre entraînant la mort de l’employé et causant des blessures graves à l’entrepreneur. Le travailleur se trouvait dans la partie la plus profonde de la tranchée mesurant 2,6 mètres.

Une enquête de la Commission de la santé et de la sécurité au travail révéla moult violations de la part de l’entrepreneur qui a failli aux exigences légales et règlementaires en matière de santé et sécurité au travail.[2]

Le Tribunal conclut que l’entrepreneur a fait montre d’une grave négligence et que la conduite de ce dernier était objectivement dangereuse et constituait un écart marqué par rapport au comportement d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

Le 18 septembre dernier, la Cour du Québec a infligé une peine de 18 mois de prison ferme au contrevenant.[3]

Il s’agit de la première fois que nos tribunaux québécois condamnent à une peine d’emprisonnement un employeur qui omet de respecter son obligation de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité des employés placés sous sa supervision. Précisons que cela s’inscrit dans la foulée de décisions similaires rendues en Ontario au cours des dernières années.[4]

Bien que cette peine puisse paraître sévère aux employeurs, le juge met l’accent sur l’importance de réprimer de tels gestes afin de produire un effet dissuasif pour l’avenir. En effet, on peut facilement croire que le public perdrait confiance en nos institutions si la négligence de cet entrepreneur n’avait pas été strictement punie.

Tout employeur et plus particulièrement les entrepreneurs en construction au Québec doivent garder à l’esprit que lorsqu’ils contreviennent aux normes en matière de SST, ils peuvent faire face à des accusations pénales ainsi qu’à des accusations criminelles.[5]

Que ce soit pour protéger leur responsabilité ou pour prévenir de graves accidents de travail, les employeurs ont tout avantage à implanter au sein de leurs entreprises des mesures et des politiques concrètes et efficaces en matière de santé et sécurité au travail, de fournir des formations convenables à leurs employés sur le sujet et de sanctionner tous manquements à ces politiques par l’imposition de mesures disciplinaires.

Soulignons également que les personnes morales contrevenantes peuvent aussi être reconnues criminellement responsables et condamnées à payer des amendes considérables en vertu du Code criminel.[6]

À titre illustratif, la Cour d’appel de l’Ontario condamna, en 2013, une organisation à une amende de 750 000 $ pour négligence criminelle ayant causé la mort.[7] Un superviseur et trois employés de l’entreprise avaient péri suite à l’effondrement d’un échafaudage situé au 14e étage d’un édifice. Le Tribunal insiste sur la gravité intrinsèque de l’infraction de négligence criminelle ayant causé la mort, la sévérité de la peine imposée étant tributaire de la gravité de l’infraction.

Au Québec, les Tribunaux ont également imposé ce type d’amende en 2008  dans l’affaire Transpavé.[8]

À la lumière de ce qui précède, il semble clair et sans équivoque que les personnes en position d’autorité dans des lieux de travail potentiellement dangereux doivent redoubler d’efforts et être particulièrement vigilantes afin de s’assurer que leurs employés effectuent leur travail en toute sécurité.

 

 

 

[1] R. c. Fournier, 2018 QCCQ 1071.

[2] Ces exigences sont notamment prévues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi qu’au

Code de sécurité pour les travaux de construction.

[3] R. c. Fournier, 2018 QCCQ 6747.

[4] R. v. Vadim Kazenelson, 2016 ONSC 25.

[5] En vertu des articles 236 et 237 de la Loi sur la santé et sécurité du travail articles 217.1, 219 et

222 du Code criminel.

[6] Article 217.1 du Code criminel.

[7] R. v. Metron Construction Corporation, 2013 ONCA 541.

[8] Il s’agit de l’affaire R. c. Transpavé, 2008 QCCQ 1598, où la compagnie québécoise a été reconnue

coupable de  négligence criminelle ayant causé la mort et s’est vue imposer une amende de 100 000 $.