La Loi sur les normes du travail établit en son article 81.19 que « Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique ». Ce principe, qui semble couler de source dans la société actuelle, a donné lieu pourtant à de nombreux litiges. Cela se comprend : de par sa nature même, le harcèlement psychologique au travail peut se manifester de manière très diverse et avec une intensité plus ou moins variable dans le temps.
À cet effet, la Loi sur les normes du travail donne une définition très large de cette notion. En effet, selon l’article 81.18 de cette loi : « on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste ». Le deuxième paragraphe de cet article précise ce qui suit : « Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié ».
Donc, pour reprendre les premiers mots de l’article 81.18, il s’agit essentiellement d’une « conduite vexatoire » pouvant s’exprimer de diverses façons, voir même résulter d’une seule situation… Aussi, la perception de ce qui peut être vexatoire pour une personne varie, il va sans dire, d’un individu à un autre. Ainsi, un comportement tout fait légitime pour un peut paraître complètement déplacé ou vexatoire pour un autre. Ici, qu’on le veuille ou non, il y a une grande part de subjectivité dans la perception du comportement. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’il est de l’essence même du harcèlement psychologique d’être généralement un comportement insidieux qui, au départ, peut sembler anodin mais qui peut devenir difficile, voir insupportable, pour une personne et créer pour celle-ci, comme le dit la loi, « un milieu de travail néfaste ».
Comment, dans ce contexte, l’employeur peut-il maintenir un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique tel que l’exige la loi et surtout, comment peut-il éviter la mauvaise surprise d’être confronté à une situation dénoncée de harcèlement psychologique en milieu de travail ?
La loi elle-même, au deuxième alinéa de l’article 81.19, répond à ces questions en précisant que « L’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser ».
Il va sans dire que le moyen à privilégier en matière de harcèlement psychologique au travail est la prévention. À cet égard, les tribunaux spécialisés du travail se sont montrés très exigeants envers les employeurs…L’arbitre, Me Fernand Morin, dans une affaire impliquant la Ville de Montréal et le syndicat des fonctionnaires municipaux, a précisé, en 2009, que la «prévention doit être active et non seulement réactive. » (DTE 2009 T-72 (T.A.))
Concrètement, cela signifie que tout employeur doit transmettre et diffuser à tous une politique visant à contrer le harcèlement psychologique au travail. Une telle politique doit clairement établir la « tolérance zéro » en ce qui concerne le harcèlement psychologique au travail et la valorisation du respect et de la civilité en toutes circonstances, et ce, de la part de tous les intervenants. Aussi, des mesures visant la formation et la responsabilisation de tous les salariés et cadres doivent être entreprises. À cet effet, il y aura lieu de rappeler aux personnes en autorité chez l’employeur, leur imputabilité quant au maintien de cette « tolérance zéro » par l’application de la vigilance requise sur les lieux de travail.
À ce sujet, la politique de l’employeur concernant le harcèlement psychologique doit prévoir, même en l’absence de plainte formelle, une intervention précoce en regard de tout cas suspecté d’harcèlement psychologique par un mécanisme d’information, d’enquête et d’intervention visant à résoudre ces situations dès ses premières manifestations.
Une telle politique appliquée de façon adéquate et rigoureuse, en plus d’être le meilleur outil pour éviter des plaintes formelles d’harcèlement psychologique, constituera, dans le cas où un recours serait quand même exercé, un moyen de défense incontournable à faire valoir et c’est ce dont nous traiterons dans un prochain article dans lequel nous examinerons les recours prévus par la loi.