L’une des notions les plus importantes dans notre système judiciaire est le respect des règles de justice naturelle, ce qui comprend notamment la règle du Audi alteram partem, c’est-à-dire le droit d’être entendu.
La violation de cette règle de justice naturelle mène à un vice de fond de nature à invalider la décision qui a été rendue. Par ailleurs, pour qu’un vice de fond soit reconnu, encore faut-il que la preuve soit faite devant une instance supérieure, dans le cadre d’un contrôle judiciaire.
Pour ce faire, nous devons voir au respect des critères stricts qui ont été développés par les Tribunaux, notamment dans la décision Vavilov[1], de la Cour Suprême.
Ainsi, lorsque ce manquement est soulevé relativement au non-respect d’une règle de justice naturelle, la norme de la décision correcte est donc celle qui s’applique en l’espèce, ce qui permet entre autres aux Tribunaux supérieurs de contrôler les décisions du Tribunal administratif du travail.
C’est ce qui a été soulevé dans le cadre du dossier[2] que nous avons présenté devant le Juge Synnott, de la Cour Supérieure, le 18 octobre 2024.
En effet, dans le cadre de la décision rendue par le Tribunal administratif du travail (TAT)[3], l’employeur apprend pour la première fois l’existence d’un soi-disant moyen préliminaire, uniquement lorsqu’il reçoit la décision du TAT. En aucun moment, soit lors du procès ou pendant que le dossier a été mis en délibéré, l’employeur n’a été informé par la Juge qu’un moyen préliminaire était considéré, soit en l’espèce une question de hors délai.
Dans les circonstances, et considérant la preuve présentée devant lui, le Juge Synnott n’a eu aucun mal à conclure au non-respect de la règle de justice naturelle et ainsi, cassé la décision rendue devant le TAT.
De surcroit, l’article 17 du Code de procédure civile du Québec précise spécifiquement que le Tribunal ne peut se prononcer sur une demande qui touche les droits d’une partie sans que celle-ci ait été entendue ou dûment appelée. Il y a également, l’article 10 de la Loi sur la justice administrative qui stipule de son côté que les organismes assujettis à cette loi, dont notamment le TAT, sont tenus de donner aux parties l’occasion d’être entendues ;
Ainsi, bien que TAT a le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue dans le cadre d’une contestation, en vertu de l’article 9 de la LITAT, cet article ne fait pas abstraction aux règles de justice naturelle, soit plus précisément à la règle du audi alteram partem.
Dans ls circonstances, si effectivement la question a été soulevée dans l’esprit du Tribunal uniquement pendant sa mise en délibéré, le décideur aurait dû informer et inviter l’employeur à soumettre une argumentation afin de répondre à ce moyen préliminaire.
En plus de cette situation, qui constitue un manquement important et clair dans le cadre du dossier, le Juge Synnott est également d’avis que TAT ne pouvait accueillir son propre moyen préliminaire, considérant qu’il s’agit du décideur dans le cadre du dossier et non une partie ayant un droit à faire valoir.
Le Tribunal a le pouvoir de rendre la décision qui doit être rendue dans le cadre d’un dossier, il peut déclarer que le dossier est hors délai, mais il n’a pas le droit d’accueillir son propre moyen préliminaire, comme s’il était une partie à l’instance!
Nous vous invitons à communiquer avec la soussignée si vous avez des questions supplémentaires sur le sujet.
[1] Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 ;
[2] Lefebvre & Benoit c. Tribunal administratif du Travail, 700-17-020376-249;
[3] 2024 QCTAT 695;