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Droit civil, assurances, construction et familial

Droit de la famille

L’aliénation parentale, qu’est-ce que c’est?

Par : Montreuil, Élizabeth

19 juillet 2024

L’aliénation parentale : qu’est-ce que c’est?

Dans le cadre de notre pratique, ou encore en écoutant des parents séparés, il est possible d’entendre un parent en accuser un autre d’aliénation parentale. Entre les comportements aliénants et les comportements déplacés, mensongers et inappropriés, il y a beaucoup de place pour la confusion. Le sujet n’est pas simple, mais voyons comment s’y retrouver avec les outils mis à la disposition des parents séparés et des juristes qui doivent les conseiller.

Le législateur québécois n’a pas encore défini le concept de l’aliénation parentale, d’où la confusion régnant encore à ce jour. Il faut donc se tourner vers la jurisprudence pour approfondir davantage ce concept juridique en termes d’impacts et de conséquences pour les partis impliqués.

Ce qui ressort de la jurisprudence et qui nous permet d’affirmer qu’il y a présence d’aliénation parentale est quand un parent influence ou tente d’influencer négativement son enfant, de manière consciente ou non, pour que ce dernier adopte une perception négative de l’autre parent. Ce comportement du parent fragilise la relation de l’enfant avec le parent visé et dans certains cas extrêmes, l’enfant aliéné en viendra à rejeter ce parent totalement.

Comment savoir si nous faisons face à de l’aliénation parentale? Les tribunaux doivent faire preuve de prudence avant de conclure qu’il y a présence d’aliénation parentale. La ligne est parfois mince entre un conflit de loyauté et une situation d’aliénation parentale. Les enfants sont fréquemment placés au centre du conflit parental qui, malheureusement, peut durer plusieurs années, même après la séparation. Le conflit de loyauté dans lequel l’enfant se trouve affecte sa sécurité et son développement, les conséquences qui en découlent pour ce dernier ne sont pas en faveur de ses intérêts, mais elles ne sont pas graves au point de détruire la relation de l’enfant avec l’autre parent.

Au fil des années, les tribunaux ont retenu certaines situations correspondant à des cas d’aliénation parentale. Par exemple, un parent qui se lance dans une campagne de dénigrement à l’encontre de l’autre en convaincant l’enfant d’y participer et de croire au dénigrement véhiculé est une situation qui y correspond. Empêcher ou entraver les communications et les accès de l’autre parent en convaincant l’enfant qu’il n’a pas envie de parler ou d’aller voir ce parent en est un autre exemple. Provoquer le conflit parental et impliquer l’enfant dans celui-ci, ou encore déménager à plus de 100 km du domicile de l’autre parent sans l’avertir[1] sont aussi de bons exemples. Dans les cas extrêmes, faire de fausses accusations criminelles contre l’autre parent en matière d’abus physiques ou sexuels sont aussi des situations qu’ont retenu les tribunaux. L’aliénation parentale peut parfois justifier l’intervention du Directeur de la protection de la jeunesse, car elle est considérée comme un mauvais traitement psychologique au sens de la Loi[2].

L’outil le plus efficace pour poser un diagnostic d’aliénation parentale demeure l’expertise psychosociale. L’expert sur le sujet dispose d’outils, de tests psychométriques et d’une formation pour faire la différence entre l’aliénation parentale et le conflit de loyauté. Il peut même recommander des solutions pour permettre à l’enfant aliéné de maintenir ou d’améliorer une relation fragilisée avec son parent. L’expert est la ressource la mieux placée pour guider le tribunal dans la recherche d’une solution.

Le tribunal, confronté à un cas d’aliénation parentale doit intervenir avec vigilance et rendre une décision dans l’intérêt de l’enfant. Cette décision est souvent difficile. Le tribunal intervient en modifiant les modalités de la garde, de la suspension des droits d’accès de l’enfant avec son parent aliénant jusqu’au changement de garde en faveur de l’autre parent, dans les cas sévères.

En 2022, l’Honorable Élise Poisson, J.C.S. a octroyé des dommages-intérêts compensatoires à un parent pour compenser le préjudice découlant des agissements du parent aliénant[3]. Cette décision a été portée en appel. La Cour d’appel n’écarte pas totalement cette possibilité dans l’avenir, mais vient imposer des conditions strictes à remplir[4] pour obtenir une telle compensation. Il sera intéressant de voir comment les lois et les tribunaux évolueront en matière d’aliénation parentale, par exemple si un parent aliéné pourrait réussir à prouver ce lourd fardeau et obtenir des dommages-intérêts.

En terminant, l’aliénation parentale demeure un concept juridique complexe et difficile à prouver. Il est recommandé de consulter des professionnels formés sur cette problématique dans la recherche de solutions adaptées au meilleur intérêt de vos enfants. N’hésitez pas à faire appel à un-e professionnel-le en droit familial de Dunton Rainville pour en savoir plus.

 

 

[1] Droit de la famille — 083352, 2008 QCCS 6260.

[2] Loi sur la protection de la jeunesse

[3] Droit de la famille – 22741, 2022 QCCS 1681.

[4] Droit de la famille – 24915, 2024 QCCA 767.