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L’accès à des logements abordables : le rôle des municipalités à la lumière des nouveaux pouvoirs législatifs

Par : Rainville, Thomas

22 janvier 2025

Texte originalement publié dans Québec Municipal, coécrit par Me Thomas Rainville et Natan Bidron, stagiaire du Barreau.

L’accès à des logements abordables est l’un des enjeux sociaux et économiques les plus pressants au Québec. La montée des coûts de l’immobilier, combinée à une pénurie marquée de logements locatifs, impose des défis considérables aux municipalités, souvent en première ligne pour trouver des solutions adaptées à leurs communautés. Les projets de loi 39[1] et 31[2], récemment adoptés, offrent de nouveaux outils et pouvoirs pour renforcer la capacité des municipalités à répondre à ces besoins.

Les municipalités jouent un rôle clé dans l’accès au logement abordable, bien qu’elles partagent cette responsabilité avec les gouvernements provincial et fédéral. Leur rôle découle principalement de leur pouvoir en matière d’aménagement du territoire et de leur capacité à adapter les règlements locaux pour répondre aux besoins de leur population. À travers des mécanismes comme le zonage, les subventions et les partenariats avec des organismes communautaires, elles sont capables d’influencer directement la disponibilité et l’accessibilité des logements.

Le projet de loi 39 introduit des changements significatifs à la Loi sur la fiscalité municipale. L’une de ses mesures phares est le transfert d’une partie de la croissance de la TVQ aux municipalités, leur offrant leur offrant un financement stable pour investir dans des projets de logements sociaux et abordables, sans se limiter aux subventions ponctuelles. Par ailleurs, la possibilité d’imposer des taxes sur les logements vacants ou sous-utilisés crée un incitatif pour les propriétaires à maximiser l’utilisation de leurs propriétés, augmentant ainsi l’offre locative.

Le projet de loi 31 élargit les pouvoirs des municipalités en matière d’aide directe au logement. Elles peuvent désormais accorder des subventions, des crédits de taxes et même des prêts pour soutenir la construction et la rénovation de logements locatifs. Une condition clé est que ces logements doivent rester abordables pendant au moins cinq ans, garantissant ainsi leur accessibilité à moyen terme​. Ces programmes permettent également aux municipalités de cibler des segments spécifiques de la population, comme les étudiants ou les personnes à faible revenu, pour répondre à des besoins particuliers.

L’accès à la propriété est un levier important pour stabiliser les ménages et renforcer les communautés. Avec les dispositions du projet de loi 31, les municipalités peuvent offrir des programmes d’aide à l’accession à la propriété sous forme de prêts avantageux ou de subventions pour l’achat de terrains​. Ces mesures sont particulièrement pertinentes dans les régions où le coût du logement est relativement bas, mais où l’attractivité économique est limitée. Elles permettent de revitaliser ces territoires tout en aidant les familles à devenir propriétaires.

Les redevances de développement sont un autre outil innovant permis par le projet de loi 39. Ces contributions financières, exigées des promoteurs immobiliers, peuvent être utilisées pour intégrer des logements abordables dans des projets résidentiels privés​. Cela garantit une mixité sociale et contribue à une répartition équitable des infrastructures et des ressources dans les quartiers en développement.

De plus, les terrains et bâtiments sous-utilisés représentent une opportunité majeure pour répondre à la crise du logement. Les nouvelles dispositions législatives permettent aux municipalités et à la Société d’habitation du Québec (SHQ) de mobiliser ces actifs pour des projets de densification urbaine et de logements sociaux​. Par exemple, des terrains vacants détenus par la SHQ peuvent être cédés à des organismes à but non lucratif pour la construction de projets communautaires, réduisant ainsi les coûts initiaux et accélérant la mise en œuvre des chantiers.

Les nouvelles lois obligent les municipalités à rendre compte de leurs initiatives en matière de logement à travers des rapports annuels accessibles au public. Ces rapports permettent d’assurer une transparence et de mesurer l’impact des programmes mis en place​.

Les projets de loi 39 et 31 offrent aux municipalités québécoises des outils concrets pour répondre à la crise du logement abordable en combinant fiscalité innovante, incitatifs réglementaires et partenariats stratégiques. Leur succès repose sur une mise en œuvre stratégique et équitable, garantissant la conformité légale, un équilibre entre incitatifs financiers et contraintes, comme la taxation des logements vacants, et une transparence accrue par des rapports accessibles. Ces mesures, bien gérées, pourraient transformer le paysage résidentiel québécois en un modèle d’inclusion, d’accessibilité et de durabilité, tout en répondant aux besoins variés des citoyens.

 

[1] Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et d’autres dispositions législatives, 2023, chapitre 33, projet de loi no 39;

[2] Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation, 2024, chapitre 2, Projet de loi n° 31.