En matière pénale, il peut arriver qu’un constat soit émis à quelqu’un sans égard à une faute commise, mais seulement parce qu’il est le propriétaire du bien visé par l’infraction. Pensons au propriétaire d’un terrain riverain dont le jardinier contractuel prendrait l’initiative d’entretenir les bandes riveraines. Ou encore le propriétaire d’un immeuble locatif dont les locataires laisseraient le terrain à l’abandon. Dans le Code de la sécurité routière, le législateur prévoit même à l’article 592 la possibilité d’une responsabilité du propriétaire d’un véhicule pour certaines infractions et ce, même s’il était absent lors de la commission de celles-ci. Y sont notamment prévus le délit de fuite (art 170 Csr) et la conduite d’un véhicule sanctionné (39.1 Csr).
Le propriétaire condamné aura-t-il alors un recours contre le tiers fautif ? Nous répondons par l’affirmative. Un recours civil pourrait être déposé contre le tiers fautif pour le préjudice ainsi causé.
Lorsqu’un propriétaire reçoit un avis d’infraction, une mise en demeure devrait être envoyée au tiers fautif avec une description de l’accusation et une invitation à participer à l’élaboration d’une défense. S’il s’agit d’une infraction continue, par exemple dans le cas d’une construction hors norme ou d’un défaut d’installation, la mise en demeure devrait impérativement inclure une demande visant à rétablir la situation : la destruction ou la réparation du bien visé par le constat d’infraction ou le préavis, selon le cas.
La nécessité d’une mise en demeure est dictée par l’obligation de la victime de minimiser ses dommages de manière raisonnable. En effet, un propriétaire doit éviter que lui soit reprochée une condamnation en raison de son manque de diligence dans sa défense ou pour avoir accepté un règlement hors cour inapproprié, sans que le tiers fautif ait pu participer à la défense ou la négociation d’un règlement. En l’informant dès le départ et en l’invitant à participer à l’élaboration d’une défense, il sera d’autant plus difficile par la suite au tiers de reprocher au propriétaire de ne pas avoir tenté de mitiger son préjudice.
Il sera primordial pour le propriétaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la gestion du déroulement de son dossier pénal pour éviter de briser le lien de causalité. Par exemple, si un jugement par défaut était rendu contre lui en raison de son omission d’enregistrer un plaidoyer ou d’être présent à l’audition, cela pourrait compromettre ses chances de réclamer avec succès les dommages subis, en totalité ou en partie. En effet, si des dommages étaient malgré tout réclamés par la suite au tiers, son défaut pourrait justifier le rejet total de sa réclamation.
Il peut arriver que le tiers fautif refuse catégoriquement de s’impliquer ou de compenser le propriétaire, auquel cas ce dernier devra conserver précieusement les échanges à cet effet, qu’il présentera au tribunal au moment de la réclamation de ses dommages.
Dans un cas d’urgence, une injonction interlocutoire et permanente pourrait être demandée devant la Cour Supérieure. Ce recours exige cependant de démontrer en plus de l’urgence et de l’apparence de droit, que le préjudice est sérieux et irréparable. Par exemple, un cas de pollution pourrait remplir les critères très restrictifs exigés par la jurisprudence pour obtenir une intervention de la part du Tribunal. Cependant, le seul préjudice de recevoir des constats en continu ne sera pas considéré comme un préjudice irréparable, car il sera toujours possible de réclamer les dommages au tiers fautif par la suite. Il est donc d’autant plus important et pertinent d’informer le tiers de la situation d’infraction, surtout s’il y a un risque de recevoir des constats sur une base régulière et ce, tant que la situation ne sera pas réglée.
En cas de mauvaise foi de la part du tiers, des dommages exemplaires pourront également être réclamés.