Une décision récente rendue par l’arbitre Huguette Gagnon nous porte à réfléchir relativement au mécanisme permettant la dotation de postes au sein d’une municipalité.
Dans l’affaire Municipalité de Paspébiac c. Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Municipalité de Paspébiac (CSN), 2015 QCTA 863, l’arbitre Gagnon accueille le grief d’une employée et ordonne à l’employeur de lui donner l’occasion d’occuper le poste d’assistante greffière / adjointe à la direction pendant la période dite d’« initiation » de 20 jours prévue à la convention collective.
Dans cette affaire, la convention collective prévoyait qu’un poste vacant devait être affiché à l’interne pendant 10 jours et qu’il était attribué à la personne candidate ayant le plus d’ancienneté, à moins qu’elle ne soit pas en mesure de remplir les exigences normales de la tâche après une période d’initiation de 20 jours travaillés.
Considérant que l’employée était la seule candidate à avoir soumis une candidature à l’interne, l’arbitre conclut simplement que celle-ci avait le droit à la période d’initiation, et ce, peu importe ses qualifications de base. Comme question de fait, l’arbitre ne discute aucunement, dans sa décision, du poste occupé par la plaignante antérieurement, pas plus qu’elle n’indique si celle-ci disposait des qualifications énumérées dans l’avis d’affichage.
Bien que le libellé du texte de la convention collective puisse, a priori, expliquer le raisonnement de l’arbitre, nous nous permettons de soulever un questionnement quant aux effets de cette décision.
De l’avis de l’arbitre, l’employeur s’est engagé à mesurer l’aptitude d’un employé à remplir les exigences normales d’une tâche uniquement par la période dite d’initiation. Faut-il comprendre que tout salarié pourrait appliquer sur tout poste, et ce, peu importe ses qualifications de base, et ainsi bénéficier de 20 jours afin de faire ses preuves ? Une telle interprétation des termes de la convention collective obligerait donc la municipalité à octroyer le poste de Directeur général vacant au plus ancien des salariés qui postule au poste, peu importe son expérience et ses qualifications.
Nous sommes d’avis que les parties ne peuvent avoir délibérément voulu un résultat aussi absurde. Le droit de gestion de l’employeur devrait toujours lui permettre de vérifier si une personne détient les qualifications de base avant que l’occasion ne lui soit donnée de démontrer qu’elle a la capacité de remplir toutes les exigences normales de la tâche.
Le texte de la décision ne nous permet pas de savoir si l’employée disposait, en l’espèce, des qualifications de base requises et donc, s’il s’avérait pertinent de lui permettre de bénéficier de ladite période d’initiation. Nous sommes toutefois fort préoccupés par l’application stricte de ce raisonnement dans un cas où l’employé ne rencontre clairement pas les exigences de base d’un poste.
À la lumière de cette décision, nous invitons donc les municipalités à porter une attention particulière à la formulation des clauses de la convention collective en cette matière et à apporter les modifications qui s’imposent lors des prochaines négociations.
Cet article a été publié sur le site Québec Municipal le 7 décembre 2015.