Depuis 2021, une nouvelle forme d’action collective a été introduite au Québec afin de permettre spécifiquement aux locataires des résidences privées pour aînés (RPA) de se regrouper pour exercer un recours devant le Tribunal administratif du logement (TAL). Il s’agit de la demande conjointe prévue aux articles 57.01 et suivants de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
Avant 2021, les locataires des RPA devaient déposer des recours individuels devant le TAL, ce qui représentait souvent un processus long, complexe et coûteux. Cette nouvelle procédure a été instaurée dans le contexte particulier de la pandémie de COVID-19, en réaction à certains abus et situations problématiques survenus dans les RPA. Malgré la fin de la pandémie, ce recours conservera à long terme sa pertinence considérant le vieillissement de la population et la volonté de faciliter l’accès à la justice, particulièrement pour les personnes plus vulnérables comme les aînés.
Les demandes conjointes sont limitées à deux types de demandes spécifiques, soit :
- Une demande en diminution de loyer fondée sur le défaut du locateur de fournir un ou plusieurs services prévus dans les baux. Il peut s’agir notamment de l’absence d’un service de repas, de soins infirmiers ou la fermeture de salles sportives ou de loisirs tels qu’une piscine ou un gymnase. Le tribunal pourrait alors accorder une diminution de loyer équivalente à la valeur du service pour chaque mois où ce service n’a pas été fourni aux locataires et qui n’a pas été remplacé par un service équivalent.
- Une demande pour faire annuler une clause prévue au bail qui serait contraire à l’ordre public, pourvu que cette même clause se retrouve dans les baux de tous les locataires faisant partie du recours. Par exemple, il peut s’agir de clauses qui imposeraient au locataire le paiement d’un dépôt en garantie ou l’interdiction d’avoir un animal de soutien émotionnel;
La Loi prévoit qu’au minimum deux locataires d’une même RPA peuvent se regrouper afin de déposer le recours devant le TAL contre le locateur. Les demandeurs peuvent alors nommer un mandataire, soit l’un des demandeurs, afin de représenter le groupe en entier ou l’un des membres du recours pendant les procédures judiciaires. Ils n’ont donc pas l’obligation d’être représentés par un avocat.
À la suite du dépôt de la demande conjointe, le TAL convoque les parties à une conférence de gestion afin de s’enquérir de la situation des autres locataires de la RPA ne faisant pas partie de la demande conjointe initiale. Le TAL peut alors ordonner la mise en cause de tous ou de certains locataires de la RPA dont les droits sont susceptibles d’être affectés par la décision à rendre.
Ces locataires mis en cause deviennent alors parties au dossier et pourront bénéficier de la décision à être rendue par le tribunal, telle qu’une diminution de loyer, sans avoir à faire de représentation devant le TAL. Le locataire conserve le droit de s’opposer à sa mise en cause s’il souhaite être exclu du recours, et ce, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue.
Ainsi, la demande conjointe offre plusieurs avantages pour les résidents des RPA qui souhaitent faire valoir leurs droits. Elle permet notamment d’éviter la multiplication des procédures, une réduction substantielle des coûts, la possibilité de nommer un mandataire pour représenter l’ensemble ou une partie des locataires et la possibilité pour tous les résidents d’une même RPA de bénéficier du jugement sans avoir eu à entreprendre eux-mêmes un recours.
Déjà, certaines décisions ont été rendues par le TAL octroyant des sommes importantes aux résidents à titre de diminution de loyer pour des services prévus au bail qui n’ont pas été fournis aux locataires pendant plusieurs mois. Par exemple, dans une décision récente de la Cour du Québec[1], le tribunal a confirmé une décision du TAL qui a accordé à un groupe de locataires une diminution de loyers mensuels variant de 35 à 115 $ pour 13 mois, en raison de certains services qui n’ont pu être rendus en raison des restrictions sanitaires, pour une somme totalisant plus de 170 000 $.
Bien que les décisions rendues jusqu’à maintenant découlent des restrictions sanitaires de la COVID-19, ce recours pourra trouver application dans de multiples situations. On peut penser notamment à la fermeture prolongée d’une piscine en raison d’un bris mécanique, la difficulté à offrir des services de soins infirmiers ou d’entretien ménager en raison d’un manque de personnel ou bien des retards dans la construction de la RPA qui retardent l’ouverture de certaines installations.
Les implications sont significatives pour les exploitants des RPA. Ils doivent s’assurer de respecter leurs obligations contractuelles en fournissant tous les services stipulés dans les baux ou des services équivalents, sous peine de condamnations pécuniaires lourdes. Celles-ci pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers de dollars, voire quelques centaines de milliers de dollars selon la taille et le nombre de locataires de la RPA.
[1] Le Renoir S.E.C. c. Légaré et als, décision rendue le 21 mai 2024 dans le dossier 540-80-008459-221