Lorsque l’un des parents fait défaut de pourvoir aux besoins essentiels de son enfant, qu’il s’agisse de soins, d’entretien ou d’éducation, diverses solutions juridiques peuvent être envisagées, notamment l’attribution de la garde à un tiers, un recours en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse ou encore, le prononcé de la déchéance de l’autorité parentale.
Le présent article se concentre sur le dernier recours, soit la déchéance de l’autorité parentale, en offrant un portrait pour mieux comprendre cette procédure, ses implications et les critères permettant de déterminer si elle pourrait s’appliquer à votre situation.
Qu’est-ce que la déchéance de l’autorité parentale?
La déchéance de l’autorité parentale constitue une mesure dite « extrême » et « exceptionnelle » en matière familiale, et vise à retirer à un parent l’ensemble de ses droits et responsabilités liés à l’exercice de l’autorité parentale.
Ainsi, un parent « déchu » de son autorité parentale ne pourra plus participer aux décisions importantes concernant l’éducation, la santé ou le bien-être de l’enfant, et ne pourra plus assumer ni sa garde ni sa surveillance. Ce recours est prévu à l’article 606 du Code civil du Québec[1].
Quand peut-on demander la déchéance?
Selon l’article 606 du Code civil du Québec, deux (2) critères cumulatifs déterminent si la déchéance de l’autorité parentale est justifiée :
- Il y a présence de motifs graves justifiant la déchéance;
- Cette mesure s’inscrit dans l’intérêt de l’enfant;
Qu’est-ce qu’un motif grave?
Auparavant, la Loi ne définissait aucunement le critère de motif grave. Or, depuis les amendements au Code civil du Québec en vertu du projet de loi n°12 sanctionné le 6 juin 2023[2], l’on reconnaît désormais, entre autres, qu’une infraction criminelle à caractère sexuel impliquant un enfant constitue un motif grave au sens de la Loi.
D’autres exemples de motifs graves sont :
- Abandon et désintérêt: un parent peut être déchu s’il cesse de s’occuper de son enfant pendant une longue période. Cela inclut l’absence de contact, un manque d’implication dans la vie de l’enfant, ou encore le refus d’assumer ses responsabilités (comme contribuer financièrement ou affectivement à son bien-être).
- On considèrera généralement que l’abandon doit perdurer depuis au moins quatre (4) ans pour être un « motif grave »[3], quoiqu’un délai de trois (3) ans peut suffire dans certaines circonstances. Une période plus courte, comme un (1) ou deux (2) ans, n’est généralement pas suffisante selon les tribunaux;
- Violence et abus: La déchéance de l’autorité parentale peut être justifiée en cas de violence physique, psychologique ou sexuelle directement envers l’enfant, mais également lorsqu’un environnement familial marqué par des comportements intimidants, des menaces ou un climat de terreur nuit gravement à son bien-être, même si ces actes ne le visent pas directement[4]. Des crimes sexuels commis sur d’autres mineurs[5] ou personnes vulnérables[6] peuvent également constituer des motifs graves.
Pourquoi l’intérêt de l’enfant est-il essentiel?
Le premier critère du motif grave ne suffit pas pour que la déchéance puisse être prononcée. Il faut aussi que l’intérêt de l’enfant le justifie. Ainsi, l’on pourrait considérer que la déchéance est dans l’intérêt de l’enfant lorsque, par exemple :
- L’enfant doit être protégé contre le parent visé par la demande de déchéance, en raison de comportements ou d’attitudes nuisibles;
- Si l’enfant est profondément troublé par la situation qu’il vit et que son bien-être serait accru par l’absence du parent concerné.
- Si l’enfant exprime lui-même le souhait que le parent perde ses droits parentaux;
À noter, même si un parent est déchu de son autorité parentale, il reste responsable de ses obligations envers l’enfant, dont le paiement d’une pension alimentaire[7].
Différence entre déchéance et retrait d’un (des) attribut(s) de l’autorité parentale
Dans certaines situations, une déchéance totale de l’autorité parentale peut être jugée trop radicale ou prématurée. Dans ce cas, le tribunal, en vertu du troisième alinéa de l’article 606 du Code civil du Québec, peut opter pour une mesure plus modérée, comme le retrait d’un ou plusieurs attributs de l’autorité parentale ou simplement du droit d’exercer ces mêmes attributs.
Retrait d’un attribut
Le retrait d’un attribut consiste à priver le parent de l’exercice de cet attribut ainsi que du droit qui y est associé. Cela entraîne un transfert de l’attribut à une autre personne, souvent le parent gardien ou une autre autorité compétente.
- Exemple : Un tribunal peut retirer à un parent le droit de participer aux décisions concernant l’éducation ou la santé de l’enfant uniquement[8].Cela signifie que ce parent n’aura plus son mot à dire dans ces domaines spécifiques;
Retrait de l’exercice d’un attribut
Le retrait de l’exercice d’un attribut est une mesure plus limitée. Dans ce cas, le parent conserve théoriquement son droit, mais il ne peut pas l’exercer en raison de son comportement ou de ses manquements.
Contrairement à la déchéance, qui nécessite des motifs graves (comme des abus ou un abandon prolongé), le retrait d’un attribut ou de son exercice vise à corriger des comportements inappropriés, des négligences ou des manquements ponctuels aux devoirs des parents. Par ceci, on entend de l’aliénation parentale[9], des antécédents problématiques[10], une attitude rigide et obstructionniste qui force l’autre parent à engager des démarches inutiles[11], etc.
Distinction essentielle
- Déchéance totale de l’autorité parentale : met fin de façon irrévocable à l’ensemble des droits parentaux du parent concerné;
- Retrait partiel : se limite à un ou plusieurs aspects spécifiques de l’autorité parentale, souvent pour des raisons temporaires ou moins « graves »;
Juridiction et procédures
La déchéance de l’autorité parentale relève exclusivement de la Cour supérieure du Québec, qui est la seule juridiction compétente pour traiter ce type de demande. Or, la demande de déchéance doit être notifiée au Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). Cette obligation permet au DPJ, qui joue un rôle clé dans la protection des enfants, d’examiner la situation et, si nécessaire, de contribuer au processus en fournissant une évaluation ou des recommandations. Cependant, cette intervention du DPJ peut rendre la procédure plus complexe en raiso
n des délais, des évaluations nécessaires et des consultations supplémentaires qu’elle peut engendrer.
Demandes connexes
Dans certains cas, la décision de déchéance peut inclure des demandes supplémentaires, comme un changement de nom de l’enfant. Toutefois, cette mesure est accordée uniquement dans des circonstances exceptionnelles et doit répondre aux besoins spécifiques de l’enfant.
La déchéance de l’autorité parentale est une mesure exceptionnelle, réservée aux situations les plus graves où l’intérêt supérieur de l’enfant exige une protection accrue. Ce recours, bien qu’irréversible, vise avant tout à garantir la sécurité, la stabilité et le bien-être de l’enfant en éliminant les influences parentales nuisibles.
Lorsque la situation ne justifie pas une telle mesure drastique, des solutions alternatives comme le retrait partiel d’un ou plusieurs attributs parentaux peuvent offrir une réponse adaptée et proportionnée. Ces décisions, qu’elles soient totales ou partielles, doivent toujours s’inscrire dans une analyse minutieuse des besoins de l’enfant et des circonstances particulières de chaque cas.
Si vous envisagez une démarche liée à l’autorité parentale, qu’il s’agisse de déchéance ou de retrait d’attributs, il est primordial de consulter un avocat spécialisé.
Celui-ci pourra vous aider à évaluer votre situation, à préparer votre dossier et à naviguer les complexités juridiques de manière efficace, dans l’objectif de protéger l’enfant tout en respectant ses droits fondamentaux.
[1] Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, Art. 606;
[2] Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et visant la protection des enfants nés à la suite d’une agression sexuelle et des personnes victimes de cette agression ainsi que les droits des mères porteuses et des enfants issus d’un projet de grossesse pour autrui, 1e sess, 43e lég, 2023.
[3] Droit de la famille – 122676, 2012 QCCS 4802;
[4] Droit de la famille – 211254, 2021 QCCS 2833;
[5] Droit de la famille – 132992, 2013 QCCS 5368;
[6] Droit de la famille – 151727, 2015 QCCS 3246;
[7] Droit de la famille – 16491, 2016 QCCS 978;
[8] Droit de la famille – 121728, 2012 QCCS 3329;
[9] Droit de la famille – 171063, 2017 QCCS 2075;
[10] Droit de la famille – 152305, 2015 QCCS 4313;
[11] Droit de la famille – 14194, 2014 QCCS 430;