Dans le cas où un employeur anticipe un litige quant à la fin d’emploi d’un salarié, il aura dans bien des cas tout intérêt à conclure une transaction pour régir la cessation d’emploi. En effet, une telle transaction comporte plusieurs avantages pour les parties impliquées.
D’une part, l’employé s’assure d’obtenir une indemnité de départ rapidement, laquelle peut être avantageusement ventilée.
D’autre part, en contrepartie de l’indemnité de départ accordée, l’employeur exigera la signature d’une quittance par laquelle le salarié renonce à l’exercice de tout recours concernant la fin d’emploi. De cette façon, l’employeur évite les risques de réintégration d’un employé difficile de même que le paiement possible de sommes conséquentes suite à une décision négative d’un tribunal.
Bien qu’il puisse être tenté d’offrir le minimum dans le cadre des négociations entourant la transaction, un employeur avisé devrait se montrer prudent avant de procéder de la sorte.
En effet, l’article 2631 du Code civil du Québec pose deux (2) conditions centrales à la validité d’une transaction :
- Une contestation née ou à naître; et
- L’existence de concessions ou de réserves réciproques de la part des parties.
Suivant cette seconde condition, plusieurs décideurs ont invalidé des transactions de fin d’emploi qui prévoyaient le paiement d’un montant égal ou inférieur à l’indemnité minimale de cessation d’emploi prévue à l’article 82 de la Loi sur les normes du travail (ci-après « LNT »).
Par exemple, dans la récente décision Ghobrini c. Petites-Mains[1], le Tribunal administratif du travail (ci-après « TAT ») a rejeté le moyen d’irrecevabilité de l’employeur fondé sur l’existence d’une transaction par laquelle la salariée, une aide-cuisinière au sein du café-restaurant de l’employeur, attestait que sa fin d’emploi n’était pas due à sa grossesse, mais qu’elle avait plutôt démissionné.
Selon le TAT, l’employeur n’avait pas fourni de concession véritable dans le cadre de cette transaction. En effet, les sommes accordées à la salariée correspondaient en pratique au montant qu’elle réclamait dans sa plainte pécuniaire, et donc, à ce qui lui était dû en vertu de la LNT. Ce faisant, le TAT a invalidé la transaction, accueilli la plainte pour pratique interdite et ordonné la réintégration de la salariée en plus du paiement du salaire et des autres avantages dont elle avait été privée.
Soulignons cependant que l’existence de concessions réciproques sera évaluée différemment en cas de faute grave du salarié, l’employeur étant alors justifié de ne lui payer aucune somme à l’occasion de la cessation d’emploi suivant l’article 82.1 LNT.
À titre d’illustration, dans Thellen c. Pablo[2], le tribunal a reconnu la validité d’une transaction par laquelle l’employeur n’octroyait aucun préavis de fin d’emploi à une secrétaire congédiée pour vol de sommes d’argent totalisant 750 $ à la clinique dentaire pour laquelle elle travaillait.
Plus particulièrement, le tribunal considéra que le fait pour l’employeur de s’engager envers la salariée à ne pas réclamer les sommes volées, à lui fournir un relevé d’emploi qui ne lui porterait pas préjudice ainsi qu’à ne pas appeler les autorités relativement à cette situation constituait une contrepartie valable dans le contexte. Le moyen préliminaire de l’employeur fut donc accueilli et la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante rejetée.
En somme, il faut retenir que les circonstances entourant la fin d’emploi d’un salarié seront déterminantes lors de l’analyse de la validité d’une transaction. Ainsi, un employeur aguerri devrait s’interroger sur les motifs de cessation d’emploi avant d’adopter toute stratégie de négociation. En l’absence de faute grave du salarié, la générosité de l’employeur pourrait lui éviter de bien mauvaises surprises !
[1] 2016 QCTAT 2074.
[2] 2015 QCCRT 12.
Cet article a été publié également sur le site de Québec Municipal.