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Droit civil, assurances, construction et familial

La communication d’un élément de preuve en possession d’un tiers

Par : Fournier, Alexandre

21 septembre 2023

Dans le cadre de toute instance judiciaire, il est usuel pour les parties qui y sont impliquées de requérir et d’obtenir la communication et la divulgation d’information et de documentation de toute sorte de la part de la partie adverse. Le Code de procédure civile (le « C.p.c. ») prévoit d’ailleurs une panoplie d’outils pour y parvenir, tels que par des demandes formelles de fournir des précisions ou de communiquer des documents, ou la prise d’engagements à fournir des informations ou des documents en marge des interrogatoires préalables. L’échange d’informations peut aussi être fait de manière ponctuelle, conformément à une saine gestion de l’instance. Bref, il s’agit de favoriser autant que possible la « recherche de la vérité » et il va de soi que ces échanges entre les parties y participent grandement.

Cependant, malgré toute la bonne foi des parties, ou lorsqu’une partie refuse de collaborer ou même y fait obstruction, il peut arriver que la seule personne pouvant communiquer le document ou l’information recherché soit un tiers à l’instance. Heureusement, l’obtention de ce qui est recherché demeure possible puisque le C.p.c. contient, à son article 251, deuxième alinéa, un outil parfois méconnu imposant au tiers détenant un document ou un élément de preuve se rapportant au litige « d’en donner communication, de le présenter aux parties, de le soumettre à une expertise ou de le préserver » dès lors que le tribunal l’ordonne.

L’utilité de cette démarche est évidente, notamment parce qu’elle facilite l’accès par une partie à des éléments pouvant être essentiels à la défense de sa position, et ce, avant le procès. Toutefois, afin de prévenir l’abus d’une telle mesure ayant essentiellement comme effet d’amener un tiers dans un dossier qui, souvent, ne le concerne pas, le législateur et les tribunaux imposent certains prérequis.

D’abord, il est recommandé d’approcher préalablement le tiers afin de s’assurer de l’existence du document ou de l’élément de preuve recherché, et de son accord pour le transmettre aux parties, le cas échéant. Cette démarche simple peut permettre de prévenir en amont un débat devant la Cour.

Ensuite, si le tiers refuse de collaborer, si la partie adverse s’objecte à la communication ou s’il y a des enjeux de confidentialité, la partie qui souhaite la communication doit s’adresser formellement au tribunal par voie de demande écrite, dont copie doit être transmise au tiers visé. Celui lui permettra notamment d’être présent à la Cour lors du débat, s’il le souhaite. La partie requérant la communication du document ou de l’élément de preuve devra notamment (i) établir son existence et l’identifier, (ii) démontrer qu’il est en la possession du tiers et (iii) démontrer qu’il se rapporte au litige1. Bien entendu, le tribunal rejettera toute demande déraisonnable, abusive ou pouvant constituer une partie de pêche2. À noter également que la Cour ne peut qu’ordonner la communication d’un document ou d’un élément de preuve existant et qu’elle n’a pas le pouvoir d’ordonner au tiers d’en confectionner un.

Une fois ces éléments établis, le tribunal pourra rendre une ordonnance forçant le tiers en question à communiquer les éléments voulus, lesquels pourront ensuite être utilisés en preuve.

Le recours prévu à l’article 251, alinéa 2 du C.p.c. est selon nous une illustration additionnelle des possibilités qui s’offrent à une partie de compléter sa preuve en cours d’instance dans une optique de « recherche de la vérité ». Des lacunes dans la documentation que possède une partie ne devraient donc pas représenter un obstacle à l’exécution d’un recours autrement bien fondé.

N’hésitez pas à communiquer avec nous pour toute information additionnelle.


1 Entrepreneurs de construction Concordia Inc. c. Régie des installations olympiques, 2021 QCCS 3236 (CanLII), par. 26 et suivants.
2 Allen Entrepreneur général Inc. c. Almiq Contracting Ltd., 2021 QCCS 5133 (CanLII), par. 25 et suivants.