Pour plusieurs employeurs, le départ d’un salarié peut entraîner son lot de préoccupations. Afin d’éviter que le salarié, suivant la terminaison de son lien d’emploi, ne concurrence son ancien employeur, ce dernier a intérêt à insérer une clause de non-concurrence au contrat de travail. L’insertion de cette stipulation viendra également bonifier les obligations de loyauté déjà imposées par l’article 2088 du Code civil du Québec.
Toutefois, la liberté contractuelle ayant ses limites et la clause de non-concurrence faisant entrave à la liberté de travail et de mouvement du salarié, cette dernière devra être raisonnable telle qu’exigée par le Code civil du Québec à l’article 2089 reproduit ci-après.
Les parties peuvent, par écrit et en termes exprès, stipuler que, même après la fin du contrat, le salarié ne pourra faire concurrence à l’employeur ni participer à quelque titre que ce soit à une entreprise qui lui ferait concurrence.
Toutefois, cette stipulation doit être limitée, quant au temps, au lieu et au genre de travail, à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur.
Il incombe à l’employeur de prouver que cette stipulation est valide.
Ainsi, pour être considérée comme raisonnable, la clause de non-concurrence se doit d’être limitée quant à trois éléments, à défaut de quoi elle pourrait être invalidée dans son intégralité par le tribunal et être inopposable au salarié. Ces trois éléments sont la durée, le territoire et le genre de travail. L’absence ou le caractère déraisonnable d’un seul de ces éléments sera fatal à la clause.
En ce qui concerne la durée prévue à la clause de non-concurrence, dans la majorité des cas, la jurisprudence nous enseigne qu’une clause restreignant le travail d’un ex-salarié durant plus de deux ans risque d’être jugée excessive. Par ailleurs, plusieurs juges n’ont pas hésité à considérer qu’une clause d’une durée d’un an était démesurée selon le type d’emploi ou même l’ancienneté du salarié.
En plus des trois limites ci-haut mentionnées, la clause de non-concurrence doit non seulement être écrite à même le contrat de travail, mais également rédigée dans des termes clairs. Ainsi, une clause ambiguë ou qui porte à confusion sera interprétée en faveur du salarié. De plus, si l’employeur veut, en cours d’emploi, ajouter une telle clause au contrat de travail d’un de ses salariés, ce dernier pourra refuser et cela ne constituera pas un motif de congédiement valable. Finalement, la clause de non-concurrence doit être évaluée quant à sa proportionnalité relativement au but recherché par celle-ci et à ce qui est réellement nécessaire pour protéger les intérêts de l’employeur.
Selon la Cour d’appel1, l’évaluation de la raisonnabilité de la clause se fait in concreto, c’est-à-dire en fonction de la situation précise et des caractéristiques spécifiques des parties au contrat de travail. Pourront notamment être pris en considération le type de clientèle que dessert l’employeur, le poste occupé par l’ex-salarié et son importance au sein de l’entreprise, la durée de l’emploi et le domaine précis d’activité dans lequel œuvre l’entreprise.
Il revient toujours à l’employeur qui invoque un manquement à une clause de non-concurrence incluse à un contrat de travail de démontrer la validité de celle-ci. En effet, ce type de clause ne bénéficie d’aucune présomption de validité.
Il est aussi important de noter que l’article 2095 du Code civil du Québec prévoit qu’une clause de non-concurrence devient caduque si l’employeur met fin lui-même, sans motif sérieux, à la relation d’emploi avec le salarié. La clause devient également caduque si les agissements de l’employeur donnent au salarié un motif sérieux de résilier lui-même son contrat de travail.
Finalement, il faut faire la distinction entre une clause de non-concurrence et une clause de non-sollicitation de clientèle puisque cette dernière n’a pas à respecter les mêmes conditions de validité. Entre autres, une clause de non-sollicitation ne devra pas nécessairement être limitée quant à son territoire. C’est pourquoi il est bien important dans un contrat de travail de préciser si une clause en est une de non-concurrence ou de non-sollicitation et que les parties s’entendent sur l’objectif recherché de ladite clause. Si tel est le souhait de l’employeur, rien ne l’empêche de les inclure toutes deux au contrat de travail.
Que vous soyez salarié ou employeur, n’hésitez pas à communiquer avec nous pour toutes questions concernant une clause de restriction à laquelle vous êtes partie, pour un avis concernant la rédaction ou l’application d’une telle clause ou pour toutes autres demandes concernant vos relations de travail. C’est avec plaisir que nous vous assisterons.
Cet article a été rédigé avec la collaboration d’Amélie Bourget, stagiaire
1 Pitl c. Grégoire, 2018 QCCA 1879.