En droit municipal et plus particulièrement en matière d’urbanisme, les mesures font régulièrement partie du fardeau de preuve de la poursuivante. Pensons notamment à la longueur du gazon d’un terrain, la distance entre une clôture et un cabanon, la hauteur d’un talus… les exemples sont nombreux. Ces mesures sont expressément prévues dans les règlements municipaux.
C’est le cas de la ville de Prévost, qui prévoit dans son règlement de zonage 601 que tout citoyen doit nécessairement avoir un permis pour couper un arbre dans le cas où :
- l’arbre a un diamètre supérieur à 3 pouces (7,5 cm) ;
- mesuré à 4 pieds (1,3 m) du sol (hauteur de poitrine).
Ainsi, en novembre 2017, la ville de Prévost émet un constat d’infraction à un citoyen pour avoir procédé à la coupe de quatre épinettes sans l’obtention préalable d’un permis. Faute d’avoir avec elle un ruban à mesurer, l’inspectrice de la poursuivante utilise sa botte pour faire la preuve du diamètre du tronc, qu’elle prend en photos. Le défendeur conteste l’infraction et le dossier est fixé pour audition à la cour municipale de Saint-Jérôme. Lors du procès, les photos sont déposées en preuve par la poursuivante. L’inspectrice mentionne dans son témoignage que les souches auraient un diamètre d’environ 20 pouces, selon ses constatations.
L’honorable juge Lalande prend le tout en délibéré et rend son jugement le 10 octobre 2018, acquittant le défendeur faute de preuve fiable quant au diamètre des souches :
[25] Le législateur municipal a choisi d’exiger l’émission préalable d’un certificat d’autorisation pour l’abattage d’un arbre dont le diamètre excède 7,6 cm mesuré à 1,3 mètre du sol. [26] Ainsi l’abattage de tout arbre d’un diamètre inférieur, mesuré à 1,3 mètre du sol, ne nécessite pas l’émission d’un certificat d’autorisation. [27] En l’instance, le « mesurage » effectué par l’inspectrice municipale a été fait au niveau de la souche et à l’aide d’un étalon dont on ne connaît pas la dimension, sa chaussure ! [28] En examinant les photographies produites en preuve, le Tribunal est à même de constater que le diamètre des souches est considérablement supérieur à la largeur de la chaussure de l’inspectrice, mais cela ne constitue pas une preuve que le diamètre de la souche est supérieur à 7,6 centimètres. [29] Le Tribunal croit nécessaire de rappeler qu’il ne dispose pas de la connaissance judiciaire de la largeur de la chaussure de l’inspectrice et qu’il ne possède pas les outils qui lui permettent de mesurer le diamètre de la souche à partir de cet étalon. [30] Au surplus, le législateur précise que ce diamètre doit être mesuré à 1,3 mètre du sol, ce qui n’a pas été possible de faire en l’espèce, les arbres étant déjà abattus au moment du passage de l’inspectrice. [31] Ici encore, le Tribunal n’a aucune connaissance d’office de ce diamètre mesuré à 1,3 mètre du sol. [32] Le témoignage de l’inspectrice municipale sur cette question n’est pas suffisant à établir le diamètre requis, à la hauteur requise, n’étant basé sur rien de concret mais uniquement sur son appréciation personnelle.Ainsi, lorsqu’un règlement prévoit une mesure comme condition à la réalisation d’une infraction, il est primordial que l’inspecteur municipal s’assure d’utiliser un instrument reconnu, soit un ruban à mesurer. La mesure devra ensuite être consignée au rapport. Certains inspecteurs prennent en photos l’objet de l’infraction avec le ruban à mesurer côte à côte, constituant ainsi une preuve idéale. Le fardeau de la poursuivante étant celui de la preuve hors de tout doute raisonnable, il ne peut être laissé place à une appréciation approximative ou personnelle.