Il s’agit là d’une question que bon nombre de jeunes entrepreneurs se posent. Outre les considérations économiques sur lesquelles nous reviendrons rapidement, ces deux régimes présentent quelques différences susceptibles de faire pencher la balance d’un côté plus que de l’autre. L’objectif du présent exposé n’est pas de souligner l’ensemble des différences présentes entre la Loi sur les sociétés par actions, RLRQ, c. S-31.1 (la « LSAQ ») et la Loi canadienne sur les sociétés par actions (L.R.C. (1985), ch. C-44) (la « LCSA »), mais plutôt de mettre en évidence les spécificités qui y sont offertes et qui peuvent être pertinentes à prendre en considération lors de la constitution de votre société, tant du point de vue des finances (1) que de la gestion (2).
Financement
L’une des premières considérations pour un jeune entrepreneur est l’aspect financier. En termes de constitution d’une société, et sans prendre en considération le recours à un professionnel, il est moins onéreux d’opter pour le régime québécois si la société exercera ses activités au Québec. En effet, une société incorporée sous le régime fédéral, mais ayant son siège social ou ses activités au Québec devra obligatoirement s’immatriculer auprès du Registraire des entreprises du Québec et respecter toutes les obligations y incombant. Ces frais d’immatriculation correspondent aux frais de constitution d’une société québécoise (347 $), auxquels s’ajouteront les frais requis pour l’incorporation de la société sous le régime fédéral (200 $).
En termes de financement, le régime québécois présente un avantage considérable et unique : c’est en effet le seul au Canada à permettre à une société d’émettre des actions sans que celle-ci n’ait reçu la totalité de la contrepartie offerte. En présence d’un contrat, la contrepartie ne deviendra exigible que suivant les modalités qui y sont énoncées. A défaut, le conseil d’administration aura le pouvoir de procéder à un appel de versement visant tout ou partie des sommes impayées. Suite à cet appel, un actionnaire qui n’effectue pas le paiement requis peut se voir confisquer ses actions et perdre tout droit de vote attaché jusqu’au versement des sommes exigées1. En appliquant une telle règle, le Québec soutient les petites entreprises en leur permettant de se financer par l’émission d’actions impayées.
Gestion
De manière générale, la gestion d’une société constituée sous le régime provincial est moins contraignante que celle d’une entité fédérale. L’une des grandes spécificités du régime québécois est la possibilité de ne pas constituer de conseil d’administration2. En effet, le Québec est la seule province canadienne où la loi autorise expressément les actionnaires à renoncer à l’élection d’administrateurs, et ce, à l’unique condition que l’ensemble des pouvoirs qui leur sont habituellement attribués soient assumés par les actionnaires eux-mêmes. Ceci peut représenter un avantage considérable pour les sociétés de petite taille, et plus particulièrement lorsque celles-ci sont détenues par un unique actionnaire qui est également le seul membre du conseil d’administration. En effet, bien qu’il s’agisse de la même personne physique, celle-ci ne peut habituellement pas mélanger ses deux titres d’administrateur et actionnaire. En optant pour une absence de conseil d’administration, l’actionnaire-administrateur se décharge de la responsabilité de devoir préparer, à chaque fois que la loi le requiert, une résolution du conseil d’administration ainsi qu’une résolution de l’unique actionnaire. Désormais, les décisions pourront être directement prises par l’actionnaire, ce qui simplifie grandement la gestion de la société.
Autre point à prendre en considération en termes de gestion : les sociétés par actions sont tenues de déposer annuellement un rapport annuel ou une déclaration annuelle, selon le cas, auprès de Corporations Canada ou/et du Registraire des Entreprises du Québec. Le non-respect de cette exigence peut entrainer des pénalités financières, voire la radiation et dissolution de la société. Ainsi, bien que ces exigences de dépôt ne soient pas très contraignantes, il est tout de même primordial de les respecter. Pour une gestion plus simple, la société de régime provincial peut ainsi être avantageuse.
Enfin, mentionnons également que la LCSA exige qu’au minimum 25 % des administrateurs d’une société soient des résidents canadiens3. Il peut s’agir là d’un élément décisif, notamment pour les jeunes entrepreneurs étrangers qui désirent faire affaire au Canada.
Il existe par conséquent quelques différences entre le régime provincial et le régime fédéral. Les éléments énoncés ci-dessus doivent être pris en considération lorsque survient la décision de choisir le régime juridique qui sera applicable à sa société. Toutefois, il ne s’agit pas des seules différences entre les deux lois et une décision prise sous la LSAQ peut avoir un impact différent sous la LCSA. À titre d’exemple, les actionnaires d’une société peuvent, en principe et sous réserve des conditions énoncées au sein des catégories d’actions détenues, se prévaloir du droit de vote, du droit au dividende et du droit au partage du reliquat. Le régime québécois prévoit que ces trois droits sont automatiquement attribués à chacune des catégories d’actions de la société, si ceux-ci n’ont pas été expressément exclus4. Cependant, au fédéral, le principe inverse s’applique : il est nécessaire d’indiquer que la catégorie d’actions visée possède le droit désiré pour que les actionnaires de celle-ci puissent s’en prévaloir5. Ainsi, toutes ces différences peuvent avoir des impacts initialement non envisagés par les actionnaires. Afin d’éviter cela, il peut être préférable de recourir aux services d’un professionnel pour s’assurer que sa société est constituée en bonne et due forme, selon les spécificités du régime choisi, et qu’elle pourra ainsi être opérée comme désiré avec le moins d’ennuis de gestion possible.
N’hésitez pas à communiquer avec nous pour toute question ou accompagnement lors de la constitution de votre société.