Nous avions précédemment rapporté qu’impliquer indûment une municipalité dans un litige judiciaire entre voisins pouvait coûter cher à ces derniers, nous basant alors sur le seul jugement répertorié ayant condamné un citoyen à rembourser à une municipalité ses honoraires extrajudiciaires 1.
En effet, dans ce jugement plutôt exceptionnel, l’Honorable Juge Gouin, de la Cour supérieure, avait rejeté le recours en mandamus, jugement déclaratoire et dommages-intérêts entrepris par Monsieur Tousignant contre la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu et l’avait condamné à verser à celle-ci 12 874,74 $.
Insatisfait du jugement rendu par l’Honorable Juge Gouin, Monsieur Tousignant en avait saisi la Cour d’appel du Québec. En réponse, la Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu avait demandé à la Cour d’appel du Québec de rejeter cet appel, ce qu’elle fit, maintenant donc les conclusions de l’Honorable Juge Gouin 2.
Étrangement, les conclusions de l’Honorable Juge Gouin, confirmées par la Cour d’appel du Québec, ne furent pas suivies dans d’autres jugements subséquents, si ce n’est en 2019 dans une affaire opposant Monsieur Valente à ses voisins et, incidemment, à la Ville d’Hudson, bien malgré elle 3.
Dans cette récente affaire, Monsieur Valente prétendait que ses voisins avaient élevé le niveau de leur terrain au-dessus de celui de son terrain, occasionnant du coup des inondations récurrentes. Insatisfait des interventions de la Ville d’Hudson, il avait donc poursuivi cette dernière au même titre que ses voisins.
Comme le rapporte l’Honorable Juge Sansfaçon, il fut mis en preuve que la Ville d’Hudson était intervenue à chaque fois qu’un incident relevant de sa compétence était survenu. Elle avait alors fait enquête, monté les dossiers, délivré les constats d’infraction et s’était même rendue à procès pour faire respecter sa réglementation.
Aussi, comme sa réglementation d’urbanisme ne prévoyait aucune norme au sujet des niveaux des terrains ou de leur égouttement, les travaux faits par les voisins de Monsieur Valente ne contrevenaient donc à aucune norme règlementaire municipale et, surtout, rien ne justifiait qu’elle intervienne autrement que de la façon dont elle l’a fait et qu’elle s’ingère dans le litige qui opposait Monsieur Valente à ses voisins.
L’Honorable Juge Sansfaçon conclut qu’aucun reproche ne pouvait donc être fait à la Ville d’Hudson et qu’en l’absence de faute de ses officiers le recours de Monsieur Valente contre la Ville d’Hudson devait être rejeté. Cela étant, la Ville d’Hudson avait répliqué au recours de Monsieur Valente par une demande reconventionnelle.
Traitant de cette demande, et fort de l’analyse de la preuve versée au dossier, l’Honorable Juge Sansfaçon n’hésite pas à y faire droit et surtout à conclure que le recours de Monsieur Valente contre la Ville d’Hudson était abusif, justifiant du coup son intervention pour sanctionner les agissements hors du commun de Monsieur Valente.
Comme l’avait fait avant lui l’Honorable Juge Gouin, l’Honorable Juge Sansfaçon conclut qu’il doit y avoir des conséquences dissuasives au fait d’instituer un recours abusif contre une municipalité. Ainsi, il a accordé à la Ville d’Hudson le remboursement d’une partie de ses honoraires, soit 20 000,00 $.
Insatisfait de la décision rendue par l’Honorable Juge Sansfaçon, Monsieur Valente a porté en appel cette décision et la Cour d’appel du Québec, à la demande de la Ville d’Hudson, a rejeté son appel, en plus de le déclarer abusif et de lui accorder le remboursement de ses honoraires, soit 5 000,00 $4.
Fort des décisions rendues dans les affaires Tousignant et Valente, tant par la Cour supérieure que la Cour d’appel du Québec, il est maintenant bien établi qu’impliquer indûment une municipalité dans un litige judiciaire entre voisins peut coûter très cher à ces derniers.
2 Tousignant c. St-Jean-sur-Richelieu (Ville de), 2015 QCCA 1403
3 Valente c. Wendt, 2019 QCCS 1197
4 Valente c. Wendt, 2019 QCCA 1046