Par Me Félix Richer, avec la collaboration de Mme Alice Touzin, étudiante en droit
Avec l’adoption par le gouvernement provincial de la Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens[1], les municipalités ont maintenant une vision plus claire de leurs pouvoirs en cette matière. En effet, différentes dispositions législatives viennent encadrer les normes que doivent faire respecter les municipalités. Nous vous en proposons un survol.
Application de la loi et du règlement provincial
Pour faire concorder un règlement municipal avec le Règlement d’application de la Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens[2] (ci-après le « règlement provincial »), certaines nuances doivent être énoncées. Ainsi, dans le cas où un règlement avait déjà été adopté par une municipalité avant l’entrée en vigueur du règlement provincial, celui-ci n’est pas invalide de ce seul fait. En effet, une norme édictée par une municipalité qui s’avère moins sévère qu’une norme provinciale sera automatiquement remplacée par celle prévue au règlement provincial. La loi provinciale établit donc une norme minimale à respecter par les municipalités[3], celles-ci devant réglementer de manière autant ou plus sévère que les normes gouvernementales. Par ailleurs, il demeure impératif que l’adoption d’un nouveau règlement municipal en cette matière soit conforme à la loi provinciale pour que certaines de ses dispositions ne soient pas invalidées. En outre, il est de la responsabilité de la municipalité d’appliquer le règlement provincial sur son territoire, l’application étant généralement de la responsabilité d’un fonctionnaire ou d’un employé, tel que l’inspecteur municipal[4]. Le respect du règlement municipal peut aussi être assuré par un tiers, tel qu’une société protectrice des animaux avec laquelle la municipalité aurait préalablement conclu une entente.
Un pouvoir discrétionnaire, mais à certaines conditions
Lorsqu’il existe des motifs raisonnables qu’un chien constitue un risque pour la santé et la sécurité publique, il est permis aux municipalités de forcer la réalisation d’un examen vétérinaire pour évaluer le niveau de dangerosité du chien. Elle doit aviser le propriétaire canin du lieu, de la date et du coût de l’examen, qui sera assumé par le propriétaire[5]. La municipalité a le pouvoir de déclarer un chien comme potentiellement dangereux, à la suite de l’obtention d’un rapport vétérinaire, lorsqu’elle estime que l’animal représente un risque pour la santé ou la sécurité publique[6], mais également lorsque l’animal a mordu ou attaqué un individu ou un animal de compagnie[7]. Dans certaines circonstances, la municipalité possède le pouvoir discrétionnaire d’ordonner l’application des mesures telles que l’euthanasie ou l’obligation de se départir du chien. Dans le cas regrettable où la morsure et/ou l’attaque résulte en une blessure grave ou en la mort d’un individu, la municipalité n’a aucun pouvoir discrétionnaire et doit ordonner l’euthanasie du chien. Dans une telle situation, un avis écrit ordonnant l’euthanasie devra être émis au propriétaire par la municipalité.
Obligations d’équité procédurale
Étant donné le devoir d’équité procédurale qui incombe aux municipalités en pareille matière, cette dernière ne peut déclarer un chien comme potentiellement dangereux, le soumettre à l’euthanasie, obliger le propriétaire de s’en départir, etc. sans préalablement remplir certaines formalités. Par conséquent, la municipalité doit informer le propriétaire de ses intentions, des motifs d’une telle mesure ainsi que du délai permettant de présenter ses propres observations[8]. Ce délai n’étant pas prévu dans le règlement provincial, la Cour supérieure conclut dans une décision récente, Mateluna-Ahumada c. Ville de Charlemagne[9], que celui-ci doit être raisonnable quant aux circonstances particulières de chaque affaire. La conclusion finale doit être motivée par écrit et notifiée au propriétaire. Tous documents ou renseignements ayant permis d’arriver à une telle conclusion doivent y être identifiés[10]. C’est donc dire qu’il est important pour une municipalité de documenter chaque étape du processus et donner l’opportunité au propriétaire d’un chien d’être entendu avant de mettre à exécution sa décision, faute de quoi elle s’expose à la révision de sa décision par les tribunaux québécois.
Conséquemment, la législation met en place des normes et lignes directrices sur lesquelles les municipalités devraient attentivement se pencher avant de réglementer ou prendre une décision eu égard à un chien dont le propriétaire ou le gardien réside principalement sur leur territoire. Il revient à la municipalité d’assurer le respect des normes minimales adoptées par le gouvernement provincial.
[1] Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens, RLRQ, c. P- 38.002.
[2] Règlement d’application de la Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens, RLRQ, chapitre P-38.002, r. 1.
[3] Préc., note 1, article 7.
[4] Id., article 5.
[5] Préc., note 2, articles 5 et 6.
[6] Id., article 8.
[7] Id., article 9.
[8] Id., article 12.
[9] 2024 QCCS 54, par. 87.
[10] Préc., note 2, article 13.