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Québec municipal

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En matière d’urbanisme, peut-on invoquer un « droit acquis » à l’autorisation d’un usage conditionnel

Par : Brunette, Jean-François

21 septembre 2023

Dans l’affaire 9071-6754 Québec inc. c. Ville de Québec, 2020 QCCA 344, la Cour d’appel du Québec a récemment confirmé la décision de première instance qui refusait de reconnaître à la compagnie appelante le droit d’obtenir la délivrance d’une autorisation municipale afin de pouvoir transformer un immeuble en résidences touristiques.

L’immeuble visé par ce projet de rénovation et de transformation de l’appelante était situé dans le Vieux-Québec, dans une zone ne permettant pas de plein droit un tel usage de résidences de tourisme.

L’appelante avait toutefois la possibilité de demander l’autorisation au conseil d’arrondissement de La Cité-Limoilou d’exercer un tel usage, conformément aux dispositions de sa réglementation relative aux usages conditionnels adoptées en vertu des articles 145.31 et suivants de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, RLRQ, c. A-19.1.

C’est ce qu’elle a fait le 12 mai 2017 en déposant, en sus des demandes de permis de construction et de certificat d’autorisation déjà soumises pour l’aménagement des lieux, une demande visant spécifiquement à obtenir du conseil d’arrondissement l’autorisation pour l’usage de l’immeuble à des fins de résidences de tourisme.

Or, un processus de réflexion était en cours à la Ville relativement à de telles résidences de tourisme et l’intérêt grandissant pour ce type d’hébergement dans le secteur préoccupait de plus en plus les élus.

Le 18 septembre 2017, alors que la demande de l’appelante avait fait l’objet d’un avis favorable tant du Comité consultatif d’urbanisme que de la Division de la gestion du territoire, le conseil de la Ville adoptait une résolution de contrôle intérimaire interdisant toute nouvelle résidence de tourisme sur l’ensemble du territoire.

Le 13 octobre 2017, la compagnie était avisée que sa demande d’autorisation d’usage conditionnel était refusée, vu la résolution de contrôle intérimaire.

Le 4 décembre 2017, le conseil de la Ville adoptait un règlement de contrôle intérimaire au même effet que la résolution du 18 septembre 2017.

C’est dans ce contexte que l’appelante entreprenait, peu de temps après, son recours judiciaire au motif que cette résolution et ce règlement de contrôle intérimaire ne lui étaient pas opposables et qu’elle bénéficiait d’un « droit acquis » à l’usage projeté.

Par sa demande, elle ne remettait pas en cause la validité du contrôle intérimaire, à la lumière des pouvoirs habilitants octroyés à la Ville, mais plutôt son opposabilité à son endroit suivant les principes énoncés par la Cour suprême dans l’affaire City of Ottawa et al. v. Boyd Builders Ltd., [1965] SCR 408. En somme, elle prétendait que sa demande d’autorisation pour usage conditionnel devait être traitée conformément au cadre réglementaire qui était applicable au moment de son dépôt, le 12 mai 2017.

Cet argument n’a pas été retenu par la Cour d’appel, pour les motifs qui suivent.

Dans Boyd Builders, un permis de construction avait été refusé au promoteur sur la base d’une modification réglementaire, non encore en vigueur, qui allait bientôt interdire la construction de l’immeuble.

La Cour suprême avait conclu que la demande de permis du promoteur était substantiellement complète et conforme à la réglementation en vigueur au moment de son dépôt et que celui-ci bénéficiait donc d’un droit prima facie à l’émission de son permis de construction1.

Par contre, dans cette affaire, la délivrance d’un permis de construction relevait de l’exercice d’un pouvoir lié.

Or, en l’espèce, la décision du conseil d’arrondissement d’autoriser ou non l’hébergement touristique en fonction du régime des usages conditionnels relevait plutôt d’un pouvoir « largement discrétionnaire ».

La compagnie appelante ne pouvait donc prétendre avoir le droit d’obtenir, sur la base de Boyd Builders, les autorisations nécessaires à son projet sans égard au contrôle intérimaire, puisque le tout demeurait sujet à une autorisation préalable discrétionnaire.

Par conséquent, à défaut pour l’appelante de contester les pouvoirs habilitants de la Ville ou de démontrer un quelconque abus de pouvoir, la Cour est d’avis que son recours est sans fondement.


1 La modification réglementaire subséquente aurait pu être opposée au promoteur si certaines conditions avaient été rencontrées, ce qui n’était toutefois pas le cas.