Les organismes municipaux, à l’instar de tout autre employeur, doivent parfois composer avec des problèmes liés aux drogues et à l’alcool sur les lieux du travail. L’employeur confronté à ce genre de problématique se doit d’intervenir promptement, non seulement pour respecter son obligation légale de protéger la santé et la sécurité de ses salariés au travail<1>, mais également afin de limiter les dommages susceptibles d’être causés à son organisation.
C’est dans ce contexte que les politiques contre la drogue et l’alcool au travail interviennent comme outil précieux, tant au stade préventif comme agent normatif, qu’au stade de leur mise en application comme balises d’intervention efficaces. Pour pouvoir s’en prémunir, encore faut-il que ces politiques soient valides. Voici quelques considérations pratiques à prendre en compte dans le cadre de l’élaboration et de la mise en application de telles politiques au travail.
La validité d’une politique
La validité d’une politique est généralement déterminée à la lumière de deux conditions : (1) la compatibilité avec la convention collective, la loi et la Charte; et (2) le fait qu’elle ne soit pas déraisonnable<2>.
Pour être raisonnable, la politique doit satisfaire au test de la mise en balance des intérêts. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre les intérêts légitimes de l’employeur d’une part, et les droits fondamentaux des salariés d’autre part (tels que le droit à l’égalité, à l’intégrité, à la dignité et à la vie privée).
Les tests de dépistage
De manière générale, les tribunaux considèrent comme déraisonnables les politiques prévoyant l’imposition de tests de dépistage aléatoires en l’absence de démonstration d’un risque accru pour la sécurité, comme l’existence d’un problème généralisé d’alcoolisme ou de toxicomanie en milieu de travail<3>. L’existence d’un tel risque accru étant difficile à prouver, l’employeur a souvent avantage à prévoir, dans sa politique, la possibilité de recourir à l’utilisation de tests de dépistage en présence de motifs raisonnables permettant de croire en l’existence d’une contravention<4>.
À cet effet, notons que la jurisprudence reconnaît à l’employeur le droit d’imposer des tests de dépistage s’il a un motif raisonnable de croire que l’employé a les facultés affaiblies dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, à la suite d’un incident ou d’un accident grave ou d’un programme de retour au travail suivant la participation à une cure de désintoxication<5>.
L’intérêt des politiques
Les politiques contre les drogues et l’alcool en milieu de travail, en plus d’informer les employés des règles et des valeurs de l’entreprise, allègent le fardeau de l’employeur lorsque vient le temps de prendre des décisions administratives ou disciplinaires. En effet, lorsque les politiques sont connues du personnel, leur violation constitue normalement un facteur aggravant dans l’évaluation de la conduite de l’employé. Bien que chaque situation doit être évaluée de façon spécifique, une politique de tolérance zéro permettra même parfois à l’employeur d’être dispensé de son obligation de fournir des avertissements préalables avant de procéder au congédiement<6>.
Trop peu d’organisations sont dotées d’une politique en matière de drogues et d’alcool au travail. Pourtant, une telle politique s’avèrera non seulement un guide fort utile pour les gestionnaires, mais pourrait s’avérer déterminante dans l’issue d’un litige.
<1> Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1, art. 51 ; Code civil du Québec, CQLR, c. C-1991, art. 2087; Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12, art. 1 (ci-après la « Charte »);
<2> Syndicat des métallos, section locale 7493 c. Poudres métalliques du Québec ltée, D.T.E. 2011T-556 (T.A.);
<3> Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c. Pâtes & Papier Irving Ltée, 2013 CSC 34, par. 5, 6 et 31 (ci-après « Papier Irving »);
<4> Les motifs raisonnables sont reliés à la constatation objective du comportement ou du rendement d’un employé, tels que des signes extérieurs d’abus d’alcool ou d’erreurs de jugement; voir Union des chauffeurs de camions, hommes d’entrepôts et autres ouvriers, Teamsters Québec, section locale 106 (FTQ) c. Midland Transport ltée, D.T.E. 2004T-85 (T.A.);
<5> Supra Papier Irving, par. 45;
<6> Voir Ryerson Tull Canada inc. c. Association internationale des travailleurs de métal en feuille, local 116 (Jimmy Boileau et autres), D.T.E. 2006T-642 (T.A.).
Cet article a également été publié sur le site de Québec Municipal.