L’actualité regorge d’exemples de situations où des syndicats sollicitent l’appui de leurs membres afin de manifester leurs désaccords à l’égard de certaines orientations ou politiques gouvernementales et, également, quant à certaines décisions prises par les employeurs et ce, au nom de la solidarité syndicale.
Il survient également des cas où le syndicat privilégie la position de l’un de ses membres au détriment d’un autre afin de tenter de mener à bien une contestation reliée à une décision prise par l’employeur.
Dans le cadre d’un arbitrage de grief entendu par Me Francine Lamy, cette dernière était saisie d’un grief contestant le congédiement d’un salarié découlant de gestes d’intimidation, de manquements aux valeurs de respect, d’intégrité, de civilité et de professionnalisme.
À la suite du congédiement du salarié, il a été démontré que celui-ci avait effectué une filature et manifesté des menaces à l’égard de représentants de l’employeur au cours de l’audition du grief. Un ancien collègue de travail ayant été informé de ces faits s’est adressé au président du syndicat afin de lui communiquer ces renseignements. Or, celui-ci a préféré ignorer les menaces, malgré l’enjeu, et a conservé cette information pour lui-même, sans la communiquer à l’employeur.
L’arbitre rappelle que « la solidarité syndicale doit céder le pas lorsque la sécurité d’autrui est en cause, même si la divulgation peut entraîner l’imposition d’une sanction disciplinaire à un collègue membre de la même unité d’accréditation ».
Ainsi, nous croyons que l’inaction du syndicat dans de telles circonstances, pourrait, dans l’éventualité où de telles menaces étaient menées à exécution, emporter la responsabilité du syndicat et de son exécutif.
Par ailleurs, dans le cadre de l’audition de ce même dossier, le président du syndicat a pris l’initiative de révéler publiquement des renseignements personnels de l’un de ses membres, lesquels avaient été colligés dans l’exercice de ses fonctions syndicales. Une telle initiative a pour effet de briser la démarche confidentielle de son membre et enfreint l’obligation de confidentialité rattachée à l’exercice de certaines fonctions syndicales.
En somme, l’arbitre rappelle certaines des obligations et devoirs du syndicat, soient :
- Ne pas exercer d’influence auprès de ses membres afin de taire des comportements répréhensibles d’un autre salarié;
- Ne pas faire obstacle à la dénonciation d’agissements fautifs à l’employeur;
- Ne pas ignorer une menace portée à son attention lorsque la santé et la sécurité d’autrui sont en jeu;
- Ne pas demeurer inactif lorsqu’une telle menace est portée à son attention;
- Mettre la solidarité syndicale de côté lorsque la santé et la sécurité d’autrui sont en jeu;
- Ne pas révéler publiquement des renseignements personnels relatifs à un membre, sans le consentement de ce dernier.
Ainsi, l’obligation de représentation syndicale ne peut aller jusqu’à mettre en danger la sécurité d’autrui au nom de la solidarité syndicale, ou de contrevenir à l’obligation de confidentialité à l’égard de certains renseignements obtenus de la part d’un membre du syndicat afin d’attaquer la crédibilité de ce membre.
La solidarité et le devoir de représentation syndicale ont tout de même leurs limites!
1. Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 3055 et Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu (Christian Fournier), décision rendue le 11 février 2015 (Me Francine Lamy)
Cet article a été publié sur le site Québec Municipal le 26 juin 2015