Avec l’entrée en vigueur d’une partie importante des dispositions de la Loi 108 : Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’Autorité des marchés publics, le 25 janvier 2019, l’Autorité des marchés publics (AMP) amorce son mandat et peut exercer les larges pouvoirs de vérification et d’enquête qui lui sont octroyés.
Il ne faudrait donc pas s’étonner si l’on assiste à une augmentation du nombre d’entreprises déclarées inadmissibles aux contrats publics et, conséquemment, inscrites au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (RENA).
Or, l’inscription d’une entreprise au RENA entraine des conséquences certaines pour celle-ci, mais également pour l’organisme municipal qui est cocontractant ou qui envisageait de conclure un contrat public avec elle.
En effet, nous savons déjà que l’entreprise qui devient inadmissible aux contrats publics, alors qu’elle exécutait un contrat avec un organisme municipal, est réputée en défaut d’exécuter ce contrat au terme d’un délai de 60 jours suivant la date de son inadmissibilité[1]. Suivant le même principe, une entreprise inscrite au RENA ne peut plus présenter une soumission pour la conclusion d’un contrat public visé à l’article 3 de la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP) ou conclure un tel contrat ou sous-contrat public avec un organisme municipal, et ce, pour la durée de son inadmissibilité[2].
Ce sont les lois habilitantes suivantes qui prévoient que ces organismes municipaux sont assujettis à ces dispositions de la LCOP lorsqu’ils envisagent conclurent un contrat pour l’exécution de travaux, d’assurance, d’approvisionnement ou pour la fourniture de services :
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Loi sur les cités et villes[3];
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Code municipal[4];
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Loi sur les sociétés de transport en commun[5];
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Loi sur la communauté métropolitaine de Montréal[6];
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Loi sur la communauté métropolitaine de Québec[7].
De par l’inadmissibilité d’entreprises aux contrats publics, il est possible qu’il en résulte certaines difficultés ou certains inconvénients pour les organismes municipaux. Nous n’avons qu’à penser, à titre d’exemples, à l’absence d’alternative pour la desserte d’un service particulier dans une région donnée, à l’impossibilité de reporter certains travaux ou à une situation d’urgence[8].
Pour pallier cette rigidité de la LCOP, tout en favorisant l’application de la Loi, le législateur a prévu certaines solutions exceptionnelles. Il est d’abord possible pour un organisme municipal, dans les 30 jours suivant la notification par l’AMP de l’inadmissibilité d’une entreprise aux contrats publics de demander, pour un motif d’intérêt public, à ce que la poursuite de l’exécution d’un contrat public[9] soit permise. Suivant la même logique, lors de circonstances exceptionnelles, un organisme municipal peut demander qu’on lui permette de conclure un contrat avec une entreprise inadmissible aux contrats publics[10]. Ces permissions pourront être assorties de conditions, notamment celle que l’entreprise soit soumise, à ses frais, à des mesures de surveillance et d’accompagnement[11].
Également, lorsqu’il y a urgence et que la sécurité des personnes ou des biens est en cause, le dirigeant d’un organisme municipal peut permettre de conclure un contrat avec une entreprise inadmissible aux contrats publics. Un avis doit alors être donné dans les 15 jours[12].
Or, il est primordial de souligner que contrairement à ce que le texte des articles 25.0.2. et 25.0.3. LCOP pourraient nous laisser croire, de telles demandes ne doivent pas être adressées auprès du Conseil du trésor, mais plutôt auprès du ministre des Affaires municipales et de l’Habitation. Pour ce qui est du contrat conclu en urgence par un dirigeant de l’organisme municipal, l’avis doit être donné par écrit dans les 15 jours à ce même ministre, à nouveau, plutôt qu’au président du Conseil du trésor. En effet, c’est au ministre des Affaires municipales et de l’Habitation que sont confiées ces responsabilités, aux termes des deuxièmes alinéas des articles cités de chacune des lois habilitantes susmentionnées[13].
Ces remarques nous apparaissent essentielles considérant que l’organisme municipal confronté à une situation où elle doit envisager de poursuivre ou de conclure un contrat avec une entreprise inadmissible aux contrats publics doit agir promptement, tout en s’assurant de respecter les dispositions de la Loi.
L’organisme municipal a tout intérêt à ne pas courir le risque de se voir opposer une fin de non-recevoir advenant qu’il se présente hors délai, à éviter de voir sa demande inutilement retardée par un processus amorcé auprès du mauvais interlocuteur ou, encore, tout simplement, à respecter les dispositions essentielles de la Loi.
[1] Loi sur les contrats des organismes publics, RLRQ c C-65.1, art. 21.3.1.
[2] Ibid., art. 21.4.1.
[3] Loi sur les cités et villes, RLRQ c C-19, art. 573.3.3.2.
[4] Code municipal du Québec, RLRQ c C-27.1, art. 938.3.2.
[5] Loi sur les sociétés de transport en commun, RLRQ c S-30.01, art. 108.1.1.
[6] Loi sur la communauté métropolitaine de Montréal, RLRQ c C-37.01, art. 118.1.1.
[7] Loi sur la communauté métropolitaine de Québec, RLRQ c C-37.02, art. 111.1.1.
[8] Basés sur des exemples réels tirés du site internet du Secrétariat du Conseil du trésor du Québec (https://www.tresor.gouv.qc.ca/faire-affaire-avec-letat/integrite-en-matiere-de-contrats-publics/exceptions-prevues-a-la-loi/)
[9] Supra note 1, art. 25.0.2.
[10] Supra note 1, art. 25.0.3.
[11] Supra note 1, arts. 25.0.2. et 25.0.3.
[12] Supra note 1, art. 25.0.3. al. 2.
[13] Supra notes 3 à 7.