Toute organisation doit à l’occasion conjuguer avec des absences pour raisons médicales, ce qui amène son lot de défis au niveau de la gestion du personnel. Il va sans dire que l’employeur souhaitera généralement obtenir certains renseignements relativement à l’état de santé de l’employé. Quelle information est-il alors possible d’exiger? Que faire si l’employé refuse de collaborer?
S’il est vrai que le droit à la vie privée protège l’état de santé d’un employé et ses renseignements médicaux, ce droit n’est pas absolu et il doit être concilié avec celui de l’employeur d’obtenir l’information à caractère médical d’un employé aux fins d’une saine gestion de son organisation.
Ainsi, la jurisprudence[1] reconnaît à l’employeur le droit de demander un certificat médical à un employé absent. Pour ce faire, l’employeur doit toutefois disposer de motifs ou de soupçons raisonnables relativement à l’état de santé de l’employé, tel qu’en présence:
- d’absentéisme douteux ou frauduleux[2];
- d’absences répétitives ; ou
- d’absence de longue durée.
Le droit de demander un certificat médical n’accorde cependant pas à l’employeur un droit d’accès illimité aux renseignements médicaux de l’employé. Seuls les renseignements nécessaires pour établir la capacité de travailler d’un employé doivent être communiqués à l’employeur. De façon générale, un certificat médical sera considéré comme étant complet s’il contient[3] :
- la nature de la maladie ou de la blessure;
- la date prévue de retour au travail ou de la prochaine visite médicale;
- la capacité de l’employé à accomplir ses fonctions; et
- le nom et les coordonnées du médecin.
Si l’employé transmet un certificat incomplet ou imprécis, l’employeur est en droit de lui demander de retourner consulter un médecin pour obtenir un certificat complet. En cas de refus, l’employé s’expose à des mesures disciplinaires. Il en est de même si l’employé néglige ou refuse tout simplement de transmettre un certificat médical à l’employeur.
L’employeur doit toutefois être prudent avant de procéder au congédiement d’un employé qui refuserait de lui transmettre les informations médicales demandées. En effet, la jurisprudence est à l’effet qu’un employeur ne peut pas « s’improviser médecin » et déterminer que l’employé n’est pas réellement incapable d’exécuter ses fonctions du seul fait qu’il n’a pas remis un certificat médical complet[4].
Il est ainsi généralement suggéré de recourir à une contre-expertise médicale, laquelle permettra à l’employeur d’obtenir les renseignements médicaux nécessaires pour lui permettre d’apprécier et de gérer adéquatement la situation.
Chaque cas étant un cas d’espèce, l’employeur se doit d’adopter une approche circonstancielle en fonction des faits propres à chaque situation. Pour les organisations ayant des employés syndiqués, il est possible que les parties aient expressément balisé leurs droits et obligations eu égard aux situations d’absence médicale en établissant des règles particulières.
Dans tous les cas, une saine gestion des dossiers d’absentéisme pour raisons médicales requiert de l’employeur qu’il exerce ses droits de manière raisonnable en tenant compte des limites du respect à la vie privée de ses employés, limitant ses demandes à ce qui est nécessaire pour lui permettre de gérer ses opérations. Bien évidemment, comme le droit d’accès aux renseignements médicaux ne s’étend pas nécessairement à l’ensemble des représentants de l’employeur, celui-ci doit en tout temps s’assurer de protéger adéquatement les renseignements personnels qui y sont contenus.
[1] Voir Alliance des professeures et professeurs de Montréal c. Commission scolaire de Montréal, 2017 CanLII 20490 (T.A.); Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 143 (FTQ) c. Goodyear Canada inc., D.T.E. 2005T-7810 (T.A.) (ci-après «Goodyear»).
[2] À titre d’exemple, pensons au cas où l’employé s’absenterait du travail lors d’une journée pour laquelle il avait fait une demande de vacance qui lui a été refusée ou celui où l’employé deviendrait soudainement malade à la suite d’une convocation pour une rencontre disciplinaire.
[3] Voir Goodyear, supra note 2, au par. 109.
[4] Pelletier c. Accès santé mentale cible au travail, 2015 QCCRT 0117, aux par. 43-45 (pourvoi en contrôle judiciaire rejeté : 2016 QCCS 2103).