De nombreuses organisations, notamment du secteur municipal, choisissent d’assujettir les cadres nouvellement embauchés à une période d’essai, estimant pouvoir rompre la relation d’emploi en tout temps avant l’échéance de cette période.
S’il est vrai que, de façon générale, une période d’essai est une période au cours de laquelle l’employeur apprend à connaître un employé et décide s’il veut se lier à ce dernier de façon permanente, la fin d’emploi d’un employé en probation n’est pas toujours sans risque.
Les fonctionnaires et employés municipaux (non salariés au sens du Code du travail) bénéficient, en vertu des articles 71 et 72 de la Loi sur les cités et villes<1> (« Lcv »), de la possibilité de porter plainte en cas de destitution, s’ils occupent leur poste depuis au moins six mois.
Or, cette période de six mois prévue à l’article 71 Lcv constitue-t-elle la durée maximale d’une période d’essai imposée aux villes, restreignant ainsi l’exercice de leur droit de gérance ?
Un premier courant jurisprudentiel semble prétendre le contraire. En effet, dans Pépin c. Montréal (Ville de)<2>, la Commission des relations du travail<3> devait statuer sur la plainte d’un cadre déposée à l’encontre de sa destitution, alors qu’il était assujetti à une période d’essai de douze mois. Bien qu’il occupait son poste depuis plus de six mois, la Commission a accueilli l’objection préliminaire à la recevabilité de la plainte, estimant que la décision de mettre fin à l’emploi d’une personne à l’essai ou en probation ne constitue pas une « destitution » au sens de la loi. Un employeur pourrait donc, à priori, effectivement mettre fin à l’emploi d’un employé à l’essai, en tout temps durant sa probation, même s’il occupe son emploi depuis plus de six mois.
Toutefois, un second courant jurisprudentiel<4>, provenant de décisions plus récentes, considère plutôt que l’imposition d’une clause de probation qui contreviendrait aux dispositions 71 et 72 Lcv doit être considérée nulle et, qu’en conséquence, un employé à l’essai ne peut être empêché de contester sa destitution s’il occupe son poste depuis plus de six mois. Cette seconde tendance, qui semble actuellement prédominante, s’inspire des enseignements provenant du plus haut tribunal du pays, dans l’arrêt SFPQ<5>, où la Cour suprême est venue préciser que les clauses contractuelles contrevenant à des normes d’ordre public sont nulles de nullité absolue et réputées non écrites.
Bref, même si toute période d’essai, supérieure ou inférieure à six mois, sera considérée par les tribunaux dans la détermination du bien fondé d’une destitution, nous estimons qu’il serait judicieux, pour tout employeur, de procéder à l’évaluation d’un nouveau cadre et de se prononcer sur le maintien de l’emploi avant l’écoulement de la période de six mois prévue à la loi.
<1> Un recours équivalent est prévu aux articles 267.0.1 et suivants du Code municipal du Québec.
<2> Pépin c. Montréal (Ville de), 2010 QCCRT 0080, par. 42.
<3> Maintenant remplacée par le Tribunal administratif du travail.
<4> Tancrède c. Matane (Ville de), 2011 QCCRT 0549 ; Poulin c. Québec (Ville de), 2011 QCCRT 0547 ; Lacasse c. Joliette (Ville de), 2012 QCCRT 0501.
<5> SFPQ c. Québec (Procureur général), [2010] 2 R.C.S. 61.
Cet article a également été publié sur le site de Québec Municipal.