Durant la période estivale, plusieurs évènements, spectacles et festivals se tiennent sur le site du Parc Jean Drapeau à Montréal, dont les plus populaires sont sans contredit Osheaga, Heavy Montréal et ÎleSoniq. Attirant chaque année des dizaines de milliers de spectateurs, ces festivals musicaux, dont l’horaire varie d’une année à l’autre, se déroulent généralement en plein cœur de l’été et débutent en début d’après-midi pour ne se terminer qu’à 23h00.
En raison des bruits qui en émanent, ces évènements causent des inconvénients majeurs pour plusieurs citoyens des villes voisines, dont notamment ceux de Saint-Lambert. Suite à plusieurs plaintes de ses citoyens et après plusieurs tentatives infructueuses pour trouver un terrain d’entente avec la ville de Montréal, Saint-Lambert a décidé, en mai 2015, de déposer un recours afin d’obtenir une ordonnance visant à empêcher que les bruits en provenance du Parc Jean Drapeau nuisent au bien-être et au confort de ses citoyens.
Bien que le dossier comporte plusieurs similarités avec un recours pour faire cesser un trouble de voisinage ou encore un recours dans le domaine des nuisances municipales, celui-ci se base uniquement sur l’application des dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement («LQE»). En effet, selon cette loi, le bruit est assimilé à un contaminant lorsque son émission contrevient à l’article 20 de cette même loi. À ce sujet, il existe au sein de la jurisprudence québécoise plusieurs cas de figure de recours en matière de bruit dont l’une des assises juridiques est la LQE.
Ce qui distingue le présent recours des autres est le fait que Saint-Lambert soit la seule et unique partie demanderesse alors qu’il est évident que ce n’est pas elle qui subit les inconvénients liés aux bruits, mais plutôt ses citoyens. Pour justifier son intérêt à intenter ce recours, elle a invoqué l’alinéa 2 de l’article 19.3 de la LQE qui prévoit qu’une municipalité «sur le territoire de laquelle se produit ou est sur le point de se produire (une) contravention» peut demander une injonction pour la faire cesser.
Dans le cadre de ce recours, Montréal et l’Aréna des Canadiens Inc. («Evenko») ont contesté l’intérêt juridique de Saint-Lambert en soutenant, notamment, que la contravention, s’il y en avait une, ne survient que sur le territoire de la ville de Montréal puisque c’est sur celui-ci que les bruits sont émis. Donc, pour ces dernières, seul le lieu de l’émission du bruit correspond au lieu de la contravention.
L’intérêt juridique de Saint-Lambert a toutefois été reconnu une première fois par l’honorable juge Chantal Corriveau. En effet, bien qu’elle ait refusé le droit de cette dernière de demander une ordonnance de sauvegarde en urgence, elle indiquait qu’«il semble illogique d’interdire à une municipalité ou une ville de se plaindre d’une contravention qui origine du territoire d’une autre municipalité, alors qu’elle peut avoir des répercussions sur son propre territoire»[1].
Montréal et Evenko ont par la suite déposé des requêtes en irrecevabilité afin de contester, une fois de plus, l’intérêt juridique de Saint-Lambert. Ces requêtes ont été entendues par l’honorable juge François P. Duprat, lequel a conclu que «la LQE demande une interprétation qui favorise la protection de l’environnement» et que «l’interdiction de polluer sous l’article 20 de la Loi et de ne pas nuire au bien-être et au confort de l’être humain doit s’apprécier à l’endroit de l’atteinte, c’est-à-dire dans le présent cas sur le territoire de Saint-Lambert»[2]. La Cour d’appel a par ailleurs refusé l’autorisation d’en appeler de ce jugement, ce qui confirme, a priori, son bien-fondé[3].
Ainsi, fort de ces précédents jurisprudentiels et à moins d’un revirement de situation majeur, il est maintenant établi que les municipalités peuvent obtenir des ordonnances afin de faire cesser une contamination qui affecte leur territoire et dont la source provient du territoire d’une municipalité voisine. Cette possibilité confirme sans aucun doute le rôle grandissant des municipalités à titre de «fiduciaire de l’environnement».
[1] St-Lambert (Ville de) c. Montréal (Ville de), 2015 QCCS 3245, para. 34.
[2] St-Lambert (Ville de) c. Montréal (Ville de), 2016 QCCS 121, para. 48.
[3] Montréal (Ville de) c. St-Lambert (Ville de), C.A., 500-09-025909-169, 7 avril 2016, juge Martin Vauclair