Le 1er février 2018, la Cour suprême du Canada s’est prononcée dans la décision Caron1, quant à l’obligation d’accommodement raisonnable imposée aux employeurs par la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la « Charte ») dans le processus de détermination de l’emploi convenable, à la suite d’un accident du travail.
La Cour a déterminé que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après la « Loi ») devait respecter la Charte et être interprétée conformément à cette dernière.
Avant cette décision, l’employeur n’avait aucune obligation légale de participer au processus de réadaptation professionnelle du travailleur et n’avait pas l’obligation de proposer un emploi convenable au sein de son entreprise.
Depuis, lorsque la Commission et/ou le Tribunal administratif du travail analysent le processus de réadaptation, ils doivent tenir compte des efforts fournis par l’employeur afin de répondre à son obligation d’accommodement, notamment, en vérifiant sa participation active dans le processus, ainsi que sa bonne foi. L’employeur doit faire une analyse complète des possibilités de réintégration2, mais surtout, il doit faire preuve de souplesse et d’ouverture.
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Ainsi, l’employeur doit d’abord analyser s’il est possible d’accommoder le travailleur, en tenant compte des critères établis par la Loi. Plus précisément, en vérifiant que l’emploi est approprié, qu’il permet au travailleur d’utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qu’il présente une possibilité raisonnable d’embauche et qu’il ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité.
L’employeur doit aussi garder en tête de concilier les critères établis par la Loi et la notion d’accommodement raisonnable, qui est le fait « de permettre à l’employé capable de travailler de le faire […] L’obligation d’accommodement a pour objet d’empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne soient injustement exclues, alors que les conditions de travail pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive.»3
Selon la Cour suprême, cette conciliation « ne perturbe pas le régime soigneusement calibré d’obligations et de rapport établi par la loi […] elle ne fait que requérir une conception plus robuste (…)»4.
Ensuite, l’employeur doit se demander si l’obligation d’accommodement rencontre une contrainte excessive. La Cour suprême mentionne qu’il y a contrainte excessive lorsque « les moyens raisonnables d’accommoder ont été épuisés et qu’il ne reste plus que des options d’accommodement déraisonnable ou irréaliste. »5 Ainsi, le fait d’être d’avis que la situation d’accommodement raisonnable pourrait créer un précédent dans le futur chez l’employeur ne constitue pas une contrainte excessive selon la jurisprudence6.
Qu’en est-il des décisions rendues depuis le 1er février 2018 ? Qu’elle est l’étendue de l’obligation d’accommodement concrètement ?
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Est-ce que l’employeur doit créer un nouveau poste pour le travailleur ?
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Est-ce que l’employeur doit mettre un travailleur ayant moins d’ancienneté à la porte afin d’accommoder son travailleur ?
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Est-ce que l’employeur doit adapter le poste de travail ou encore, l’horaire de travail ?
À l’heure actuelle, nous pouvons constater que l’employeur :
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Doit tenir compte des nouvelles limitations fonctionnelles du travailleur, qui peuvent évoluer avant la consolidation de sa lésion7;
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Doit tenir compte de l’emploi que le travailleur doit être appelé à exercer à son retour au travail, si ce travail a changé avant la période de consolidation8;
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Doit appliquer la notion d’accommodement à toutes les étapes des relations de travail, que ce soit à l’embauche, en cours d’emploi, lors de la cessation de l’emploi9, lors du retour au travail progressif10 ou lors du congédiement11;
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Peut arrêter l’assignation temporaire afin de respecter ses obligations, en vertu de l’article 51 LSST12;
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N’a pas l’obligation de créer sur mesure un nouveau poste de travail13;
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Doit analyser s’il est possible d’accommoder le travailleur avant qu’une décision soit prise relativement à l’emploi convenable par la CNESST14.
L’étude des décisions rendues depuis l’arrêt Caron15, nous révèle qu’il n’y a aucune réponse unique et qu’il s’agit d’une situation de « cas par cas ». Chaque obligation d’accommodement va donc dépendre des caractéristiques de chaque entreprise, ainsi que des besoins des travailleurs.
1 2018 CSC 3 (CanLII);
2 Vallée et Ville de Montréal –Arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâces, 2018 QCTAT 5440;
3 Idem, note 1 paragraphe 22.
4Idem, note 1, paragraphe 36.
5 Idem, note 1, paragraphe 25.
6 Idem, note 2, paragraphe 180;
7 Drolet c. CLSC La Source, 2018 QCTAT 5981
8 Durand et GDI Services (Québec), 2018 QCTAT 3790;
9 Leblanc et Constructions MRS inc., 2018 QCTAT 6029;
10 St-Pierre et Fortress Specialty Cellulose inc., 2019 QCTAT 281;
11 Gaulin et 9131-1811 Québec inc., 2018 QCTAT 4189; Offe et Converdis inc., 2019 QCTAT 2554;
12 Ghanouchi et Ministère de la Sécurité publique, 2018 QCCNESST 209;
13 Tremblay c. Pièces d’autos Choc, 2019 QCTAT 2111, paragraphe 55;
14 Soucy et Centre hospitalier de Port-Cartier, 2019 QCTAT 1864, paragraphe42;
15 Idem, note 1.