Généralités
Depuis 1994, la protection contre les vices cachés est désignée comme étant la garantie de qualité. Cette garantie s’applique aux ventes de biens mobiliers et immobiliers.
Bien que cette garantie de qualité existe du seul effet de la loi, elle peut être augmentée, restreinte ou, dans certaines circonstances, supprimées par la volonté des parties à l’acte de vente. Cette garantie légale a pour but d’assurer à l’acquéreur l’utilité du bien qu’il vient d’acheter.
En effet, tout vendeur est tenu de délivrer le bien vendu et d’en garantir la propriété ainsi que la qualité. Pour que cette garantie s’applique, il faut démontrer un certain nombre d’éléments.
Premièrement, il faut que le vice dont on se plaint soit inconnu de l’acheteur et qu’il ait existé antérieurement à la vente.
Deuxièmement, l’acheteur doit avoir fait preuve de diligence en ayant procédé à examen attentif du bien. À cet effet, il faut noter que même si il n’est pas obligatoire que cet examen soit fait par un expert, nous sommes d’opinion qu’il est préférable de faire appel aux services d’une personne compétente et expérimentée.
Troisièmement, la loi impose à l’acheteur le fardeau de dénoncer le vice à son vendeur dans un délai raisonnable de sa découverte.
De plus, le vice doit être d’une certaine gravité par rapport à l’intégralité physique du bien ou de sa valeur économique.
Cependant, un recours en vice caché n’est ouvert qu’à l’acheteur prudent et diligent, qui est-il ?
L’acheteur prudent et diligent
Pour commencer, l’article 1727 du Code Civil du Québec prévoit que :
« 1727. Lorsque le bien périt en raison d’un vice caché qui existait lors de la vente, la perte échoit au vendeur, lequel est tenu à la restitution du prix; si la perte résulte d’une force majeure ou est due à la faute de l’acheteur, ce dernier doit déduire, du montant de sa réclamation, la valeur du bien, dans l’état où il se trouvait lors de la perte. »
Ainsi, comment qualifierait-on un acheteur prudent et diligent?
Encore une fois, l’honorable juge Claude Dallaire nous donne une explication claire et précise dans la décision Freidman c. Shnirelman.i
« [115] Pour être qualifié de prudent et de diligent, l’acheteur doit avoir fait tout en son possible, pour apprécier l’état du bien, avant l’achat. Son examen doit être sérieux, Il doit correspondre à celui d’une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances que cet acheteur.
[116] La simple possibilité que l’acheteur puisse découvrir la présence d’un vice, et qu’il ne saisisse pas l’opportunité, peut faire de lui un acheteur insouciant. Dans un tel cas, son insouciance ne réussira pas à transformer un vice qui était apparent, en vice caché. L’acheteur soit donc être à l’affût d’indices « pouvant laisser soupçonner un vice » et être plus méfiant que moins.
[117] L’évaluation de l’acheteur n’a toutefois pas à être celle d’un expert, à moins qu’il en soit un, évidemment, ni correspondre à l’examen que ferait une personne tatillonne.
[118] La nature des démarches effectuées pour évaluer l’état du bien, le nombre de visites, leur durée, leur ampleur, les questions posées par l’acheteur ou son courtier, lorsqu’il en a un, la manière dont réagit l’acheteur à la suite des réponses que le vendeur lui communique, lorsqu’il le questionne, la vérification qu’il fait de documents pertinents et disponibles, concernant l’immeuble, lorsqu’ils existent et peuvent être consultés, sont tous des éléments pouvant être pris en considération, pour décider si l’acheteur mérite d’être qualifié de prudent et de diligent ou, à l’inverse, d’être considéré comme ayant été insouciant, impulsif, nonchalant, ou, carrément négligent.
[119] Si l’acheteur s’est contenté de visites sommaires et superficielles et qu’il n’a pas examiné le bien attentivement et complètement, les tribunaux n’hésitent pas à lui refuser les bienfaits de la garantie légale prévue à l’article 1726 C.c.Q., et surtout, lorsqu’il a déjà renoncé au bénéfice de cette garantie. »
Pour conclure, le juge André Rochon, maintenant à la Cour d’Appel du Québec a déjà partagé la même opinion ii :
« [17] L’acheteur prudent et diligent d’un immeuble procède à un examen visuel attentif et complet du bâtiment. Il est à l’affût d’indice pouvant laisser soupçonner un vice. Si un doute sérieux se forme dans son esprit il doit pousser plus loin sa recherche. D’une part, on ne peut exiger d’un acheteur prudent et diligent une connaissance particulière dans le domaine immobilier. D’autre part, on ne peut conclure au vice caché si le résultat d’un examen attentif aurait amené une personne prudente et diligente à s’interroger ou à soupçonner un problème. À partir de ce point l’acheteur prudent et diligent doit prendre des mesures raisonnables, selon les circonstances, pour connaître l’état réel du bâtiment. Il ne saurait se replier sur son manque de connaissance si son examen lui permet de soupçonner une anomalie quelconque.
[18] Il faut donc examiner, suivant chaque cas d’espèce, la conduite d’un acheteur prudent et diligent. Antérieurement à 1994 on exigeait également de l’acheteur qu’il soit prudent et diligent. Sans revenir à l’ancienne règle jurisprudentielle au sujet des experts, il est possible dans certains cas que le fait de ne pas recourir à un expert pourra être perçu en soi, comme un manque de prudence et de diligence. Le tribunal ne veut pas réintroduire dans notre droit une exigence spécifiquement exclue par le législateur en 1994. Par ailleurs, cette exclusion ne saurait être interprétée comme autorisant l’acheteur à agir de façon insouciante ou négligente. Cet acheteur ne fera pas preuve de prudence et de diligence alors qu’il existe des indices perceptibles pour un profane, s’il ne prend pas les moyens (y compris le recours à des experts le cas échéant) de s’assurer que l’immeuble est exempt de vice. »
De la vente sans garantie légale
Bien que, en principe, la loi prévoit que le vendeur est tenu de garantir que l’immeuble est exempt de vice caché, il est permis de convenir que l’acheteur renonce à une telle garantie.
Cependant, comme l’a rappelé récemment l’honorable juge Claude Dallaire iii :
« [100] Il n’y a rien d’illégal à convenir d’une telle renonciation. Cependant, pour que sa décision de renoncer soit reconnue comme étant valide, il faut que l’acheteur ait un consentement éclairé. »
Toutefois, le vendeur professionnel, sur qui pèse une présomption d’une connaissance du vice, ne peut vendre sans la garantie légale de qualité.
Dans le cadre d’une renonciation à la garantie légale, le premier alinéa de l’article 1733 du Code civil du Québec prévoit que :
« 1733. Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s’il n’a pas révélé les vices qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien. »
Néanmoins, il faut noter que la situation est différente lorsque l’acheteur achète à ses risques et périls. Dans un tel cas, le premier alinéa de l’article 1733 ne s’applique pas et le vendeur n’est pas tenu de divulguer les vices qu’il connait.
Est-ce dire que l’acheteur est alors dépourvu de tout recours?
Encore une fois, la juge Dallaire iv explique très bien la nature juridique de la relation ainsi créée :
« [102] Lorsque le vendeur est transparent, que l’acheteur renonce à la garantie et achète à ses risques et péril et qu’une situation désagréable se produit ensuite avec l’immeuble, l’acheteur ne peut plus invoquer la garantie de 1726 C.c.Q., pour obtenir l’annulation de la vente ou une réduction du prix payé pour l’acquérir.
[103] Mais lorsque le vendeur n’est pas transparent ou qu’il pousse l’audace jusqu’à présenter l’immeuble de manière beaucoup plus favorable que ce qu’il sait être, que la fausseté de ses représentations est démontrée, et que l’on peut conclure qu’il a agi de manière à forcer la vente pour se débarrasser de l’immeuble ou de manière à se ménager un profit plus intéressant que celui qu’il aurait eu doit d’obtenir, l’acheteur qui a ainsi été incité à renoncer à la garantie légale a une chance de la faire renaître, pour obtenir la nullité de la transaction ou la réduction du prix convenu. »
Évidemment, dans un tel cas, il revient à l’acheteur de démontrer que ce sont les omissions, les déclarations, ou les faits et gestes qui sont directement à l’origine des dommages déclarés.
Bien que le fardeau soit exigeant pour l’acheteur, une revue de la jurisprudence nous révèle des précédents.
Par exemple, l’annulation de la vente a été accordée à l’acheteur dans un cas où le vendeur avait omis volontairement de divulguer un drame épouvantable étant survenu dans la résidence.v
Nous terminons notre capsule informative sur l’énonciation de principe de l’honorable juge Dallaire :
« [128] S’il allègue que le vendeur a omis de lui faire part de renseignements pertinents, qu’il lui a fait de fausses représentations ou déclaré des demi-vérités sur l’état de l’immeuble, ou qu’il a posé des gestes dolosifs pour cacher l’état véritable du bien, pour ne pas lui donner l’heure juste sur les caractéristiques véritables du bien, dans le but d’obtenir un meilleur prix de l’acheteur, il doit en faire la preuve. »