En matière pénale municipale, le législateur québécois a expressément délégué aux juges de cours municipales le pouvoir d’émettre des ordonnances de faire ou de ne pas faire.
Ce pouvoir découle de la Loi sur les compétences municipales1 et de la Loi sur les cours municipales2. Bien que les dispositions de ces deux lois sont souvent confondues les unes avec les autres lors des représentations devant les tribunaux, elles comportent des distinctions importantes.
Loi sur les compétences municipales
D’une part, la Loi sur les compétences municipales est de portée spécifique et s’appliquera aux ordonnances relatives au traitement des eaux usées, à l’insalubrité et aux nuisances3. De plus, cette loi comporte une disposition fort avantageuse, qui permet à la municipalité de récupérer sa créance comme une taxe foncière pour les sommes dues en vertu de cette loi :
96. Toute somme due à la municipalité à la suite de son intervention en vertu de la présente loi est assimilée à une taxe foncière si la créance est reliée à un immeuble et si le débiteur est le propriétaire de cet immeuble. Autrement, la créance est assimilée à une taxe non foncière.
Enfin, notons que l’article 56 de la Loi sur les compétences municipales prévoit expressément l’obligation d’envoyer un préavis au défendeur pour l’informer de l’intention de la municipalité de demander une ordonnance au tribunal. Ce préavis n’a pas besoin d’être long ou complexe, mais doit être suffisamment précis pour informer le défendeur de la demande d’ordonnance et son contenu. Ce préavis peut être ajouté sous le libellé de l’infraction à même le constat d’infraction ou encore sur un document distinct, l’essentiel étant d’avoir une preuve de notification au défendeur (par exemple, un courrier recommandé).
Loi sur les cours municipales
Pour sa part, la Loi sur les cours municipales est de portée assez large, englobant tout ce qui n’entrera pas dans la catégorie du traitement des eaux usées, de l’insalubrité ou des nuisances.
Elle vise de façon générale « la mise à effet d’un règlement, d’une résolution ou d’une ordonnance de la municipalité »4.
Également, bien que le préavis au défendeur n’y soit pas expressément prévu et qu’un juge ait le pouvoir d’émettre toute ordonnance en rendant jugement, nous recommandons tout de même son envoi, considérant la règle d’audi alteram partem.
Enfin, comme il n’y a aucune disposition spécifique dans la Loi sur les cours municipales pour la récupération d’une créance, a contrario de l’article 96 de la Loi sur les compétences municipales, toute somme due à la municipalité devra être réclamée par l’intermédiaire des instances judiciaires.
Détermination de la nature de l’infraction
Du moment où une infraction est consommée et qu’un constat est notifié au défendeur accompagné du préavis d’ordonnance, le juriste doit déterminer la nature de l’infraction, afin de rédiger au préalable le projet d’ordonnance qui sera présenté au tribunal. Un tel projet est rédigé sous la forme d’un jugement et est présenté au juge pour signature, sous réserve des modifications que le tribunal voudra lui apporter.
Mais une question essentielle demeure : est-ce que ce projet d’ordonnance sera rédigé en fonction de la Loi sur les compétences municipales ou plutôt en fonction de la Loi sur les cours municipales ?
Ainsi, des déchets encombrant un terrain privé, une piscine laissée à l’abandon ou un immeuble infesté entreront clairement dans la définition de nuisance ou d’insalubrité de la Loi sur les cours municipales, mais certaines infractions peuvent être un peu plus difficiles à catégoriser. Il appartiendra au juriste de convaincre le tribunal qu’une telle infraction découle de la Loi sur les cours municipales afin de bénéficier de la récupération de la créance sous son article 96.
Constitutionnalité
Finalement, notons que la constitutionnalité des dispositions permettant l’émission d’ordonnance a été soulevée devant les tribunaux, la défense plaidant notamment que les injonctions sont de la compétence inhérente et exclusive de la Cour supérieure. Cet argument a toutefois été rejeté faute d’avis préalable aux procureurs généraux, comme prescrit aux articles 76 et 77 du Code de procédure civile (C.p.c.)5.
À ce jour, la question demeure donc à être tranchée et ces dispositions continuent de bénéficier de la présomption de constitutionnalité.