Le 8 septembre dernier, la Cour d’appel, dans l’affaire Ville de Québec c. Galy1 a profité d’un litige entourant l’adoption par la Ville de Québec du Règlement modifiant le Règlement de l’Arrondissement de La Cité-Limoilou sur l’urbanisme relativement à la modification d’une zone de fortes pentes dans le secteur de la rue de la Terrasse-Dufferin, R.C.A.1V.Q.241 (ci-après « Règlement 241 ») pour réitérer la déférence dont doivent faire preuve les tribunaux dans le cadre d’un contrôle judiciaire d’une règlementation municipale.
La Ville de Québec porte en appel la décision2 de l’honorable juge Marie-Paule Gagnon, j.c.s. ayant accueilli la demande en annulation d’un règlement municipal présentée par les intimés. Ainsi, la juge annule le Règlement 241, car elle conclut que la Ville de Québec n’a pas considéré l’intérêt public lors de son adoption, plus précisément la sécurité, que cette absence de considération a entrainé un zonage parcellaire illégal et donc que le Règlement est déraisonnable.
La Cour d’appel débute sa décision en rappelant que les principes entourant le contrôle judiciaire d’un règlement municipal sont déterminés dans Catalyst Paper3 et Vavilov4. Cette dernière décision précise d’ailleurs que la norme de contrôle présumée est celle de la décision raisonnable, à moins que le législateur ou la primauté du droit n’exige la norme de la décision correcte. Finalement, elle insiste qu’il convient d’accorder le premier plan à la décision administrative en tenant compte du raisonnement suivi et du résultat obtenu par le décideur, la municipalité en l’espèce.
La Cour d’appel en vient à la conclusion que la juge de première instance n’a pas appliqué correctement la norme de la décision raisonnable.
Premièrement, la Cour d’appel considère comme une erreur de droit le fait d’accorder une moins grande déférence aux décisions administratives portant sur la sécurité, car ce simple motif ne peut justifier, selon elle, d’accorder une moins grande discrétion aux municipalités lors de l’adoption de leurs règlements.
Par ailleurs, la juge de première instance avait jugé que la Ville interprétait erronément l’article 113 (16) de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme5 en faisant une distinction entre les fortes pentes naturelles et celles résultant de l’intervention humaine, ce qui justifiait une intervention de sa part. Selon la Cour d’appel, la juge n’aurait pas fait preuve de la déférence à laquelle elle était pourtant tenue.
En effet, considérant que « le législateur a conféré aux municipalités le pouvoir de règlementer les usages du sol pour des raisons de sécurité publique6 », il convient de présumer que le législateur a également voulu leur permettre d’interpréter la loi en fonction des questions qui leur sont soumises7. La Cour d’appel conclut ainsi que l’interprétation de la Ville de son pouvoir découlant de l’article 113 (6) L.A.U. n’était pas déraisonnable en ce qu’elle pouvait insister sur les contraintes naturelles8.
Les intimés soulevaient également le zonage parcellaire illégal de la Ville lors de l’adoption du Règlement 241. La Cour d’appel définit ce type de zonage comme étant celui qui favorise des intérêts privés au détriment de l’intérêt public ou lorsque ce dernier se trouve totalement absent de l’équation9.
En considérant que la juge de première instance a défini l’intérêt public comme étant la sécurité en l’espèce, la Cour d’appel souligne que même lorsque la sécurité constitue un enjeu important, il ne doit pas avoir pour effet d’obliger la Ville à l’examiner isolément10. En conséquence, la Ville possédait une discrétion dans l’adoption de son Règlement et elle avait le droit de considérer les objectifs d’exploitation du territoire et d’uniformisation des zones de fortes pentes11. Il s’agit d’un choix politique qui revient à la municipalité pour lequel, le contrôle judiciaire ne peut devenir un contrôle d’opportunité12.
Or, en première instance, la juge reconnaissait que la Ville avait considéré l’enjeu de sécurité, mais ne l’avait simplement pas mis en avant-plan. La Cour d’appel fait un long retour sur les faits et en conclut que la Ville de Québec n’a pas adopté le Règlement 241 au détriment de l’intérêt public. Effectivement, la sécurité publique a été évaluée par la Ville de Québec et cette dernière en a conclu que ce ne sont pas toutes les zones de fortes pentes qui présentent des dangers pour le public, notamment celles découlant d’une intervention humaine comme en l’espèce. Il appert donc que la Ville a agi raisonnablement et dans les limites de ses pouvoirs. En conséquence, le Règlement 241 ne pouvait pas être annulé par la juge de première instance.