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Droit des sociétés et droit commercial

Affaires commerciales, transactionnelles et fiscales

En temps de crise, comment une entreprise peut-elle éviter le chant du cygne par de bonnes pratiques rédactionnelles ?

21 septembre 2023

Si vous aviez dit, il y a 12 mois, que nous serions aujourd’hui dans une situation où une grande partie de la population mondiale vit en distanciation sociale ou confinée à son domicile, personne ne vous aurait cru. La théorie du cygne noir a été popularisée par Nassim Nicholas Taleb dans son livre de 2007, The Black Swan : The Impact of the Highly Improbable2. Taleb a défini le cygne noir comme un événement qui (1) est si hautement improbable que même la possibilité qu’il se produise est inconnue (2) a un impact catastrophique lorsqu’il se produit, et (3) est expliqué avec le recul comme s’il était en fait prévisible.

Un événement comme celui-ci nous démontre l’importance et les limites de la rédaction des contrats. D’ailleurs, dans les prochains mois, la pandémie va tester de nombreuses clauses de vos contrats. Certaines seront devenues obsolètes tandis que d’autres sont susceptibles de présenter des lacunes. Bien entendu, une protection juridique parfaite contre les événements cygne noir est tout simplement impossible, vu le nombre infini de ce type d’événements, leurs conséquences très différentes et surtout, en raison de leur imprévisibilité.

Dans le présent article, nous identifierons des exemples de clauses clés dont il faudra désormais tenir compte lors de la négociation et la rédaction de nouveaux contrats suivant la pandémie.

Clauses clés :

  • Force majeure : Cette clause a pour objectif d’exonérer une partie de sa responsabilité si un événement imprévu échappant à son contrôle l’empêche d’exécuter ses obligations en vertu du contrat. Cependant, il ne faut pas oublier que la COVID-19 n’est plus, depuis mars dernier, un événement imprévisible pour les nouveaux contrats à être conclus. Par conséquent, si votre entreprise souhaite se prémunir des conséquences d’une deuxième vague du virus ou d’une pandémie similaire, il est préférable d’ajouter une clause spécifique aux pandémies, tel que mentionné ci-après. Dans tous les cas, la clause de force majeure demeure pertinente. En effet, cette clause sera à l’avenir un élément de négociation important.
  • Imprévision : Puisqu’il n’est jamais dans l’intention des parties que l’effet ou les conséquences de la conclusion d’un contrat causent un déséquilibre entre les parties, l’ajout d’une clause d’imprévisibilité pourrait offrir à une partie la possibilité de renégocier le contrat ou de le résilier. Cette clause est pertinente dans les cas où il ne sera pas possible d’invoquer la force majeure, laquelle couvre rarement le déséquilibre économique.
  • Clause de pandémie : Semblable à la clause de force majeure, laquelle ne pourra plus être invoquée à l’avenir pour les pandémies, il y aurait lieu de prévoir une clause spécifique aux pandémies. Il serait notamment possible de stipuler qu’en cas de pandémie/épidémie, toute fermeture de frontières, quarantaine, limitation de déplacement ou autres mesures édictées par les autorités gouvernementales, tout retard ou incapacité pour une partie, que ce soit à cause notamment d’un tiers ou d’un fournisseur, ne pourra pas engager la responsabilité d’une partie.
  • Interruption/ralentissement des activités : Les parties à un contrat auraient intérêt à préciser, à même la clause de force majeure ou la clause de pandémie, qu’en cas d’interruption ou de ralentissement des activités d’une partie en raison d’un cas de force majeure, de toute pandémie/épidémie ou en raison de mesures prises par toutes autorités gouvernementales, empêchant une partie d’exécuter ses obligations contractuelles, les délais ou la durée du contrat, selon le cas, seront prolongés du nombre de jours que perdure le ralentissement ou l’interruption, sans que cela entraîne un cas de défaut ou une pénalité.
  • Clause d’ordre sanitaire : Vous pourriez inclure dans vos contrats une exigence selon laquelle les parties devront respecter les directives sanitaires émises par les autorités gouvernementales et prévoir les conséquences en cas de non-respect. Il est aussi possible de voir de plus en plus apparaître dans les contrats une obligation pour chacun des cocontractants de soumettre à l’autre leur politique ou exigence en matière sanitaire. Aussi, par exemple, pour certains types de contrats, il serait possible d’exiger que votre cocontractant vous divulgue tout cas de maladie d’un employé de son entreprise, si cela risque d’avoir un impact sur vos employés ou votre entreprise.
  • Responsabilité/indemnisation : Lorsqu’il existe un risque de défaillance dans l’exécution des contrats, les entreprises devraient porter une attention particulière aux clauses d’indemnisation. En cas de non-respect d’une partie de ses obligations contractuelles, il y aurait lieu de déterminer si la responsabilité de la partie en défaut est illimitée ou non (montant minimal/plafond).
  • Clause de « meilleurs efforts » : Il est possible que vous ou vos cocontractants vouliez réduire les exigences quant aux efforts consacrés ou aux exigences d’exécution ou la rapidité des services rendus.
  • Cession à un tiers. Les contrats devront prévoir une plus grande flexibilité quant à la cession d’un contrat à un tiers en cas de pandémie. Par exemple, dans un contrat d’approvisionnement ou de services, si vous êtes dans l’impossibilité d’exécuter vos obligations, il serait possible de prévoir que dans un tel cas, le contrat pourra être cédé à un tiers de votre choix (ou au choix du cocontractant, selon le cas), sans que cela constitue une résiliation du contrat, aussi longtemps que durera la pandémie.
  • Avis : Les contrats prévoient souvent qu’un avis/préavis doit être remis en main propre à une partie, et certains exigent même un accusé de réception. Comme nous l’avons constaté avec la COVID-19, une telle remise en main propre peut devenir impossible. Il en est de même si le contrat précise une adresse de bureau pour la remise de ces avis/préavis. Avec les restrictions de déplacement qui peuvent s’appliquer et étant donné que certains bureaux peuvent être fermés, il y aurait lieu de prévoir, au minimum, de pouvoir utiliser des adresses électroniques pour la livraison des avis.

En résumé, cette crise apportera à tous de nombreux enseignements. Il faut donc rédiger des contrats permettant le plus possible de vous prémunir contre les impacts futurs d’une pandémie.

Chez Dunton Rainville, nous assistons nos clients à chaque étape des questions contractuelles, de la rédaction et de la révision des contrats commerciaux au conseil en matière de litiges. Pour toute question sur les éléments abordés ci-dessus, n’hésitez pas à communiquer avec votre contact habituel chez Dunton Rainville.


1 Les informations fournies dans ce bulletin sont uniquement informatives et ne constituent pas un avis juridique. L’auteure remercie Mykam Lemire-Théberge, Me Andrée-Anne Ouimette et Me Alexandre Dumas pour leur aide dans la rédaction de cet article.

2 Nassim Nicholas Taleb, The Black Swan : The Impact of the Highly Improbable, USA, Random House, 2007.