L’article 148.0.3 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (« L.A.U. ») prévoit qu’un conseil municipal qui a adopté un règlement pour encadrer la démolition d’immeubles (en vertu de l’article 148.0.2 de la L.A.U.) doit constituer un comité ayant pour fonctions d’autoriser les demandes de démolition et d’exercer tout autre pouvoir que lui confère le chapitre de la L.A.U. sur la démolition d’immeubles.
De façon plus spécifique, l’article 148.0.12 de la L.A.U. prévoit que lorsque le comité accorde l’autorisation de démolir un immeuble, il peut imposer toute condition relative à la démolition de celui-ci ou à la réutilisation du sol ainsi dégagé. Pour sa part, l’article 148.0.20 de la L.A.U. rajoute que le conseil municipal peut confirmer la décision du comité de démolition ou rendre toute décision que celui-ci aurait dû prendre.
Ces deux articles, même s’ils confèrent à première vue de larges pouvoirs aux comités de démolition et conseil municipaux, n’ont pas fait l’objet d’une analyse exhaustive dans la doctrine et la jurisprudence. Cela dit, la décision rendue par l’honorable Gérard Dugré, dans l’affaire Beauchemin v. Varennes (Ville de) est d’un grand intérêt puisqu’elle vient baliser les conditions pouvant être imposées par les comités de démolition et conseils municipaux.
Dans cette affaire, le comité de démolition et le conseil municipal de la Ville de Varennes avaient imposé des conditions spécifiques à l’octroi d’un permis de démolition à M. Beauchemin, notamment que les fenêtres de sa future nouvelle résidence soient translucides et ne puissent s’ouvrir pour permettre de voir les propriétés voisines. Après une analyse exhaustive des articles 148.0.12 et 148.0.20 de la L.A.U., l’honorable juge Dugré en est venu à la conclusion que les conditions imposées par la Ville de Varennes étaient déraisonnables, illégales et donc nulles.
L’honorable juge Dugré a reconnu que les articles 148.0.12 et 148.0.20 de la L.A.U. confèrent de grands pouvoirs discrétionnaires, soulignant toutefois que ces pouvoirs discrétionnaires ne pouvaient être exercés de manière arbitraire et que les lois (et règlements) habilitants régissaient leur exercice tout en permettant d’apprécier son caractère raisonnable.
L’honorable juge a donc procédé à l’interprétation de ces deux dispositions afin de définir les contours des pouvoirs délégués aux comités de démolition et accessoirement aux conseils municipaux. En examinant de plus près le libellé de l’article 148.0.12 de la L.A.U., il a insisté sur le fait que le libellé de cet article, par l’emploi du terme « relative à » (et dans le texte anglais « for ») exige qu’il y ait un lien entre, d’une part, la condition imposée par un comité de démolition et, d’autre part, la démolition de l’immeuble ou la réutilisation du sol dégagé. Or, dans le cas précis de M. Beauchemin, la condition imposée concernait les fenêtres de sa nouvelle résidence, et non la démolition du chalet; il n’y avait donc aucun lien entre cette condition et cette démolition.
Le contexte de l’article 148.0.12 de la L.A.U. était aussi d’une certaine importance pour l’honorable juge Dugré puisqu’il en retient qu’il s’agit de démolition, et non pas de construction, de zonage, de lotissement ou d’implantation et d’intégration architecturale, matières qui sont prévues ailleurs dans la L.A.U.
Poussant son analyse plus loin, l’honorable juge Dugré note que l’article 148.0.12 de la L.A.U. indique clairement qu’il ne s’applique que si le comité de démolition accorde l’autorisation. Ainsi, ce n’est donc que si la demande d’autorisation de démolition reçoit une réponse favorable que le comité de démolition peut imposer des conditions particulières.
Or, au moment où le comité de démolition en vient à autoriser la démolition, et a le pouvoir d’imposer des conditions, le programme préliminaire de réutilisation du sol a déjà été approuvé. En effet, l’article 148.0.4 de la L.A.U. prévoit que ledit programme ne peut être approuvé par le comité de démolition que s’il est conforme aux règlements de la municipalité.
Il découle donc de ce qui précède que lorsque le comité de démolition avait autorisé la démolition du chalet de M. Beauchemin, et imposé ses conditions particulières, le programme de réutilisation du sol dégagé proposé par M. Beauchemin avait déjà été approuvé et jugé conforme aux règlements en vigueur. Les conditions que le comité de démolition, ou encore le conseil municipal, pouvait décider d’imposer ne pouvaient donc modifier, ou avoir pour effet de modifier, le programme de réutilisation du sol dégagé déjà approuvé et surtout, jugé conforme aux règlements en vigueur.En bout de ligne, l’honorable Gérard Dugré conclut que ce pouvoir d’imposer des conditions particulières accordé à l’article 148.0.12 de la L.A.U. n’a pas pour effet d’assujettir les règles du zonage applicables au nouveau bâtiment à la discrétion du comité de démolition (ni à celle du conseil municipal). Conclure autrement aurait la fâcheuse conséquence d’assujettir les nouvelles constructions à des règles de zonage différentes selon qu’elles sont ou non précédées d’une démolition. Grâce à l’analyse exhaustive de l’honorable Gérard Dugré, les comités de démolition et conseils municipaux seront mieux à même d’exercer de façon raisonnable les pouvoirs accordés par les articles 148.0.12 et 148.0.20 de la L.A.U.