Le 15 mars 2020, suivant l’adoption d’un arrêté ministériel, la ministre des affaires municipales annonçait que les municipalités auraient dorénavant la possibilité de tenir des séances à huis clos, et que les élus seraient autorisés à y participer par tout moyen de communication, comme le téléphone ou la visioconférence.
L’idée était sans doute de permettre aux élus et fonctionnaires municipaux de respecter autant que faire se peut les consignes du gouvernement en ce qui concerne la « distanciation sociale » en cette période de pandémie.
Cependant, les lois municipales prévoient que plusieurs documents municipaux, tels les résolutions, les règlements et les procès-verbaux doivent être signés par plusieurs personnes pour être valides ; l’échange de documents papier et les signatures manuscrites encouragent forcément les rencontres des fonctionnaires et des élus entre eux.
La question se pose donc : peut-on faire signer ces documents de façon électronique afin de respecter les consignes de distanciation sociale ?
À ce sujet, la Loi sur les cités et villes (« LCV ») et le Code municipal (« CM ») sont généralement muets sur la façon dont on doit signer ces documents. Il faut cependant présumer qu’il s’agit de signatures manuscrites seulement, puisqu’ailleurs dans ces lois, on prévoit spécifiquement la possibilité de remplacer ces signatures manuscrites par un équivalent électronique.
Par exemple, il est prévu à l’article 352.1 de la LCV qu’une municipalité de plus de 100 000 habitants peut permettre par règlement le remplacement de la signature manuscrite par un procédé électronique pour des documents produits de façon répétitive ou en un nombre considérable d’exemplaires.
Un autre exemple sont les articles 100.1 de la LCV et 613 du CM, en vertu desquels la signature sur un chèque peut être « autrement reproduite ».
Bref, à la lecture de ces articles, nous devons en venir à la conclusion que sauf les exceptions spécifiques à la Loi, la signature manuscrite est, en vertu de la Loi, nécessaire pour les procès-verbaux, les résolutions et les règlements.
Ceci dit, la signature manuscrite de ces documents demeure une formalité, dont l’inobservation n’entraine pas nécessairement la nullité de l’acte… En effet, les articles 11 de la LCV et 23 du CM indiquent que la contestation d’un acte municipal fondé sur l’omission d’une formalité n’est pas recevable à moins que cette omission n’ait causé un préjudice ou une injustice réels (selon la loi).
Ces articles ne font pas la distinction entre une formalité qui ne serait pas respectée suite à une erreur, ou celle qui ne le serait pas volontairement mais en conséquence d’une situation exceptionnelle (comme la pandémie actuelle). En vertu de la jurisprudence et de la doctrine répertoriées, la raison de l’omission ne semble pas être importante pour déterminer si l’acte peut être contesté ; ce sont les conséquences d’une telle omission qui sont visées.
En présumant que la nécessité d’une signature vise à garantir l’authenticité et la transparence des actes municipaux, il s’ensuit qu’une signature électronique qui remplit ces conditions pourrait difficilement être contestée.
La possibilité qu’un tel préjudice puisse être invoqué pourrait être amenuisée par des mesures assurant la véracité de l’acte. Par exemple :
- L’utilisation d’un processus reconnu pour la signature électronique ;
- L’impression d’une copie des documents signés électroniquement par tous, avec une authentification manuscrite (incluant le moment de la réception) de la personne ayant la responsabilité de les consigner au livre ;
- L’envoi d’une copie du document afin de créer une redondance, pour démontrer que le document signé est celui qui a été transféré à une certaine date et heure, par exemple aux membres du Conseil et au greffe.
Le but de ces mesures serait d’assurer l’intégrité du document et de s’assurer également qu’au moment de la signature et depuis, le lien entre la signature et le document est maintenu, le tout en conformité avec la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information.
De telles mesures auraient donc pour effet de diminuer, sinon éliminer, la possibilité que l’omission de la signature manuscrite puisse causer un préjudice ou une injustice réels, et qu’elles auraient d’autant plus de justification que la santé publique nous encourage à la distanciation sociale.