Actuellement, la plupart des dossiers par poursuites sommaires sont transférés dans les Palais plutôt que traités par les cours municipales de la région où l’infraction a été commise. Seules quelques cours traitent présentement ce type de dossiers, notamment Montréal, Châteauguay, Laval, Sainte-Adèle… Cependant, de plus en plus de cours municipales s’ouvrent à la possibilité d’intégrer les poursuites sommaires à leurs séances. Plus récemment, l’honorable juge Catherine Haccoun donnait une formation à ce sujet au bénéfice des services du greffe de différentes cours municipales n’offrant pas déjà ce type de traitement de dossiers.
En matière de poursuites sommaires, il est important de rappeler le rôle que tient un procureur, différent de celui de l’avocat en pratique privée qui doit représenter au mieux les intérêts d’un client en particulier. Le procureur représente plutôt le meilleur intérêt de la société et n’a pas de causes à gagner.
Dans les faits, le procureur doit analyser son dossier en deux étapes : premièrement, est-il convaincu qu’avec la preuve dans son dossier, il pourra obtenir un jugement de culpabilité contre le défendeur ? Deuxièmement, le procureur doit se demander s’il est opportun d’intenter des poursuites en regard de l’intérêt public 1 : la marginalisation du défendeur, la gravité objective de l’infraction, l’intérêt de la société à voir ce type d’infraction sanctionnée, la possibilité de déjudiciarisation, la faiblesse de la preuve, les droits garantis par la Charte qui auraient été enfreints, etc.
L’étape de l’évaluation de l’opportunité de poursuivre est la plus difficile, mais aussi la plus importante des deux. Faite de zones grises, elle requiert du procureur un sens de l’équité et de la justice aiguisé, une intelligence émotionnelle développée ainsi qu’un certain jugement dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à autoriser ou non une poursuite, à fixer à procès ou non. Par exemple, une jeune mère de famille qui vole du lait et des couches pourrait bénéficier d’une déjudiciarisation, et ce, même si la preuve au dossier est complète.
Ainsi, un procureur ne procédera pas systématiquement dans chaque dossier dans lequel il a de la preuve, mais utilisera son jugement en fonction du contexte de chaque infraction. En refusant toute négociation, le procureur risque de surcharger inutilement les séances, dilapider les ressources judiciaires ou même favoriser la marginalisation de défendeurs qui autrement auraient pu bénéficier d’un programme de réhabilitation ou encore d’un retrait de plainte.
Ainsi, il existe plusieurs programmes de réhabilitation offerts pour certaines infractions spécifiques, dans lesquels le procureur travaille en étroite collaboration avec le travailleur social. Jusqu’à présent, c’est la cour municipale de Montréal qui est la mieux équipée pour ce type de ressources sociales. Entre autres, les programmes PAJIC et PAJ-SM sont offerts aux gens ayant connu une période d’itinérance ou qui font face à des problèmes de santé mentale. En matière de vol, Ève est un programme de soutien et de réhabilitation qui s’adresse aux mères ayant volé pour subvenir aux besoins de leur famille. En matière de capacités affaiblies, le programme Point Final s’applique dans les cas de circonstances aggravantes, comme le taux double (160 mg/100 ml de sang), le refus de souffler et la récidive.
Ces programmes d’aide ont souvent un réel impact positif sur les gens qui en bénéficient, minimisant ainsi chez eux le risque de récidive. Toutefois, ceux qui s’y inscrivent doivent prendre le processus au sérieux, s’impliquer et participer aux réunions, au risque de voir l’entente avec le procureur révoquée.
Le rôle du procureur est donc complexe et requiert énormément de jugement et d’intégrité dans le traitement des dossiers. Ce n’est certes pas une fonction facile, surtout dans une profession où la confrontation et la volonté de marquer un point est constamment au cœur du débat. Il est donc important de ne jamais perdre de vue nos devoirs premiers envers le meilleur intérêt de la société.
« It is not easy to be a prosecutor. It is often a lonely journey. It tests character. It requires inner strength and self-confidence. It requires personal integrity and fortitude, and a solid moral compass. It also requires humility and a willingness, where appropriate, to recognize mistakes and take appropriate steps to correct them. Prosecutors must be passionate about the issues, but compassionate in their approach, always guided by fairness and common sense.2 »
1 Directive du DPCP ACC-3
2 Me Daniel Bellemare, ex-procureur chef du Tribunal spécial pour le Liban.