Il est bien connu que l’article 18.2 de la Charte des droits et libertés de la personne vise à protéger une personne reconnue coupable d’avoir commis une infraction criminelle qui n’a aucun lien avec son emploi. L’existence ou non d’un tel lien a fait l’objet d’un certain nombre de décisions de la part de nos tribunaux et il s’avère parfois difficile pour l’employeur de congédier un employé ayant commis un crime, même à l’extérieur du cadre de son emploi.
Le 18 février 2013, le Tribunal d’arbitrage1 a maintenu le congédiement d’un pompier et premier répondant, survenu quelques mois auparavant, après que l’employeur eut notamment découvert qu’il avait été reconnu coupable d’agression sexuelle par la Cour du Québec. Cette agression était survenue à l’extérieur du travail du pompier, ce que certains conçoivent comme étant dans la sphère de la vie privée du salarié. Il importe de souligner que ce pompier avait également fait l’objet d’une condition de remise en liberté au moment de son arrestation, laquelle impliquait qu’il ne pouvait sortir du district judiciaire à l’intérieur duquel la plainte criminelle avait été déposée.
Dans un premier temps, le Tribunal a été appelé à interpréter et à appliquer l’article 18.2 de la Charte. À cet égard, le Tribunal conclut à l’existence d’un lien objectif et direct entre l’infraction commise par le plaignant et son emploi au sein de la Ville. En outre, la preuve démontrait que les premiers répondants sont appelés à intervenir auprès, notamment, de victimes d’agression sexuelle.
De plus, le Tribunal conclut à l’atteinte à la réputation de l’employeur et au préjudice évident pour ce dernier s’il lui fallait maintenir le lien d’emploi avec le plaignant. Aux yeux du Tribunal, la réputation, l’intégrité et la sécurité du service de sécurité incendie sont indispensables à la réalisation de sa mission, ce que le maintien d’un pompier et premier répondant reconnu coupable d’agression sexuelle ne peut lui permettre de réaliser.
De même, le fait que le plaignant était assujetti à une condition de demeurer dans les limites d’un seul district judiciaire contrevenait aux exigences de son emploi. En effet, il a été mis en preuve qu’un pompier et premier répondant pouvait être appelé à intervenir dans d’autres districts judiciaires que celui dans lequel est située la Ville impliquée dans cette affaire.
Il est à souligner que le plaignant n’avait jamais informé son employeur qu’il était assujetti à une telle condition, ni qu’il avait fait l’objet d’accusations, ni même été reconnu coupable d’agression sexuelle. Le Tribunal en conclut que le fait de cacher l’accusation, la condamnation et la condition a contribué à la perte du lien de confiance qui devait prévaloir entre le plaignant et la Ville.
En conséquence, lorsqu’un employé est reconnu coupable d’une infraction de nature criminelle, il importe d’analyser convenablement le lien direct et rationnel pouvant exister entre cette infraction et la nature de l’emploi occupé par cette personne puisqu’un tel lien n’existe pas dans toutes les situations. Toutefois, la preuve d’un tel lien est possible après avoir analysé attentivement les tâches, les responsabilités et la nature de l’emploi sous étude ainsi que la mission, la clientèle ou le public visé par l’employeur.
1Ville de La Prairie et Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC), section locale 501, AZ-50940775, Me Robert Choquette, arbitre de grief, le 18 février 2013.